Le
Hun blond / Cavanna
Librairie Générale Française
(collection Livre de Poche), 2000, 345 p., 36 F
Après
Les fosses carolines ou La déesse mère Cavanna continue dans
le roman historique avec pour période cette fois-ci le Ve siècle
après J-C au tout début de la dynastie mérovingienne
(jusqu' à Clovis). Cette période est le temps des invasions
germaniques (Vandales, goths, Francs) dans l'empire romain mais surtout
des Huns qui ravagent tout sur leur passage. L'histoire commence lors de
l'invasion des Huns en "Gaule". Mérovée, roi des francs décide
de s'unir au romain Aetius pour contrer les Huns. Tous se dirigent vers
Orléans que les Huns veulent mettre à sac. L'"épouse-première"
du roi des francs (Ragnhilde), son fils (Childéric) et sa suivante
(Waldrude) qui voyageaient éloignés du reste de la troupe
se font attaqués par une bande de Huns. Il réussissent à
s'échapper avec l'aide d'un jeune Hun (du nom de Bouzil) qui est
tombé amoureux de Waldrude. Ils finissent par s'aimer l'un l'autre.
Mais un Hun est mal vu dans l'armée des Francs et ils se voient
confiés une mission, aller à Lutèce pour consulter
Sainte Geneviève, une prophétesse afin de l'interroger sur
l'issue de la guerre. S'en suit diverses péripéties dont
la naissance de Loup, fils de Waldrude et de Bouzil, appelé le Hun
blond. Un Hun blond qui aidera à rétablir sur le trône
Childéric, chassé pour ses excès sexuels du pouvoir.
De l'aventure à pleine louche donc, superbement ficelée comme
Cavanna sait le faire. Ici point de discours maniéré et estampillé
"roman historique", de clichés, un franc-parler qui convient parfaitement
aux personnages et à l'époque paillarde, guerrière
et misogyne. Le côté romanesque et historique s'imbriquent
parfaitement (les personnages qui ont existé et les personnage inventés
pour les besoins de la fiction se côtoient et cohabitent), tout est
fait pour nous rendre proche les personnages, tout est fait pour nous mener
dans les coulisses de l'histoire, une histoire qui n'est pas forcément
celle que l'on connaît.
L'OS
Que
d'os ! / Jean-Patrick Manchette
Gallimard (collection Folio policier),
2000, 220 p., 29.50 F
Encore un petit chef d'œuvre de roman policier grâce au talent
de Manchette qui nous entraîne avec fougue dans un scénario
on ne peut plus trépidant et attachant. La 4e de couverture (j'ai
lu le bouquin quand il était sorti dans la collection Carré
noir de Gallimard, le texte n'est peut-être plus le même chez
Folio) nous met tout de suite dans le bain (façon Le Poulpe) : un
ancien gendarme (un CRS !) reconverti comme détective privé
à Paris qui tombe un jour sur la "Grande" affaire. Eugène
Tarpon le détective privé reçoit un jour une veuve
qui cherche sa fille aveugle qui a disparu. Elle est notamment recommandée
par un flic, Coccioli, qui lui dit de suivre cette affaire, considérée
comme une lubie sans importance. Jusqu'au moment ou la veuve se fait salement
dessouder. C'est à ce moment que Tarpon met les doigts dans l'engrenage
et quand on a les doigts dedans il est dur de s'en échapper. Rencontres
avec un tueur fou, un commissaire franchement mauvais et autres tordus
du même genre. Heureusement que pour notre détective il y'a
quelques amis : une femme (Charlotte) et un vieil ami (Haymann) qui vont
l'aider à surmonter les coups durs et carrément tordus qui
lui tombent dessus. Comme dit la 4e de couv : "jusqu'au jour où
il se met à pleuvoir des aveugles en cavale, des Bretons nazis,
des Espagnols de l'armée en déroute et des Bonzes déchaussées".
Un grand roman et un grand scénario avec ses dessous politiques
et sociaux qui prédominent chez Manchette. Facile à lire,
agréable et palpitant, un bouquin à recommander à
tous et à toutes. Un bon bouquin pour les vacances.
L'OS
1275 âmes
/ Jim Thompson
Gallimard (collection Folio policier),
1998, 248 p., 29,50 F
1275 âmes est le roman le plus connu de Jim Thompson, écrivain
américain mort en 1977. Ecrit en 1964 ces 1275 âmes
correspondent au nombre d'habitants de la petite ville rurale nommée
Pottsville où sévit le shérif Nick Corey. Un drôle
de personnage pour un représentant de la loi, n'arrêtant personne
et esquivant le plus possible les problèmes qu'il rencontre sur
son chemin. Selon sa femme qui le hait c'est un pleutre, un lâche
voire un sans-couilles tout juste bon à se bâfrer et à
dormir. Elle n'a pas tout à fait tort de ce point de vue là
: il faut dire que la phrase fétiche de Nick est explicite : "je
dis pas que vous avez raison mais je dis pas que vous avez raison non plus".
Un drôle de shérif qui n'est peut-être pas si naïf
et imbécile qu'il n'y parait. Car avec une femme qui le hait, une
maîtresse possessive et une femme qu'il aime vraiment, il n'a pas
le temps de s'ennuyer. Et Pottsville, même si c'est une petit bourgade,
apporte toujours son lot de problèmes à régler entre
"les soûlards, les fornicateurs, les incestueux, des feignasses et
des salopiauds de tout acabit" . Ce qui n'est pas du goût de notre
shérif qui décide un jour que tout cela va cesser. Qu'il
se fera respecter, qu'il viendra à bout de sa femme et de son frère
Lennie (un peu demeuré) et à bout d'autres habitants et qu'il
arrivera à être réélu comme shérif, le
seul métier qu'il sait faire.
C'est loufoque, c'est terrible aussi, c'est une critique de la société
américaine, une fresque de la population d'une petite ville
perdue d'Amérique (ville profonde), un genre de Trifoulli les oies,
avec ses personnages monstrueux, vils, manipulateurs, une morale ras les
pâquerettes, calculatrice et détestable. Nick n'y échappe
pas mais contrairement à la plupart des protagonistes il reste attachant.
Car on peut difficilement admettre que tout le monde soit pourri et mauvais.
Quelle fausse espérance... finalement. Mieux vaut la laisser au
vestiaire et plonger dans cet univers machiavélique. Bienvenue en
Enfer...
L'OS