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Le travail

 
 

Trois textes trouvés dans des manifestations de chômeurs sont reproduits partiellement ici.
Articles extraits de Silence, n°231, mai 1998. Les articles peuvent être reproduits sous réserve d'en mentionner la source.


La sale gueule du travail
 
La dignité humain n'est pas dans le travail salarié, parce que la dignité ne peut s'accommoder ni de l'exploitation ni de l'exécution de tâches ineptes, et pas davantage de la soumission à une hiérarchie.
La dignité des humains est dans leur capacité et leur obstination à rêver leur vie, à se raconter leurs rêves, à vouloir construire un monde sans argent où seul compte l'humain.
Il est absurde et faux historiquement de dire comme certains intellectuels que "le travail est le premier des droits de l'homme". Le travail ne figure nulle part dans la Déclaration des droits de l'homme et du Citoyen et les émeutiers révolutionnaires n'en réclamaient pas. Ils posaient la question des "subsistances" et exigeaient "le pain et la liberté". Aujourd'hui comme hier, tout être humain, dès lors qu'il n'exploite pas ses semblables a droit à la subsistance (logement, nourriture, transport, culture...). C'est ça le minimum vital !
il ne s'agit pas de "partager le travail", comme on se met plusieurs pour porter un fardeau, ni même de travailler "tous, moins, autrement". En vertu de quelle morale masochiste faudrait-il réclamer de partager la misère et l'ennui salarié au service des patrons et de l'Etat ?
La satisfaction du travail bien fait, la fierté de l'artisan, conscient de l'utilité sociale de son travail, ne sont plus de mise sous le capitalisme industriel où la majorité des gens sont employés à des tâches stupides et ne produisent que des nuisances.
Si le capitalisme se contente désormais pour prospérer d'un nombre plus réduit  de travailleurs (dans les pays occidentaux), de notre côté nous n'avons que faire de la plus grande partie de ce qu'il nous impose et nous vend. Aussi est il absurde de réclamer "la création d'emplois" : les richesses existent pour assurer la subsistance à toutes et à tous. Nous n'avons qu'à les partager.
Quant au reste, une révolution sociale fermerait davantage d'usines et supprimerait plus d'emplois nuisibles en douze heures que le capitalisme en douze ans. Pas question de continuer à fabriquer des colorants alimentaires, des porte-avions ou des contrats d'assurance..."

Des chômeurs (euses) actifs (ves)
 
 
 

3,5 millions de chomeurs, c'est 35 milliardaires en trop
 

Du pognon l'Etat en trouve pour fabriquer des porte-avions, jouer avec Superphenix, équiper des CRS, payer les ministres et leurs "bureaux d'études", éponger les gabegies des banquiers, etc. Il peut donc aussi en trouver pour calmer les chômeurs en colère. Mais il ne le fera que contraint et forcé, et à seule fin de désamorcer une révolte qui risque de faire tâche d'huile et d'entraîner "l'explosion sociale" qu'il redoute car elle pourrait le mettre à son tour au chômage de longue durée.

C'est être fort naïf que de compter aujourd'hui sur des hommes d'Etat compréhensifs pour satisfaire aux doléances des pauvres. Les gouvernants, quelle que soit leur étiquette politique, ne sont que des administrateurs au service des véritables maîtres du monde : les propriétaires des multinationales transplanétaires. Ils sont valets de haut niveau et ne peuvent être que cela sous peine de perdre leur place ou être liquidés. Certes, le peuple les "choisit" dans un panier de crabes interchangeable, mais il n'en est pas le maître, n'ayant aucun pouvoir réel dans un monde où seul l'argent en a... Et il n'ont évidemment pas fait carrière en politique pour le servir, mais plutôt pour jouir des nombreux avantages, officiels et officieux, qui rétribuent leurs fonctions. Il remplissent donc, avec un parfait professionnalisme de techniciens de la manipulation, leur rôle qui est de soumettre les gens au credo résigné selon lequel on ne peut que se plier, avec toute la "flexibilité" requise, aux "impératifs du marché", c'est à dire aux dictats du capitalisme, aussi impitoyables soient-ils.

Ainsi lorsqu'ils disent que leur priorité est de "favoriser la croissance et l'emploi", il faut bien entendre qu'ils vont continuer à faire des fleurs aux patrons, surtout aux plus gros, et dégager le plus possible tous les obstacles qui pourraient ralentir l'exploitation des travailleurs et l'affectation de tout l'argent ainsi récolté à la spéculation boursière.

Ils ne changeront donc rien "structurellement" ni à la condition des sans-emplois, ni à ce qui cause l'accroissement constant du chômage et des exclusions en tout genres. Et s'ils accordent aux chômeurs quelques uns des moyens qu'ils réclament pour vivre plus "décemment" (sans parler de vivre bien !), ce ne sera qu'en fonction de la menace qu'ils ressentiront et des possibilités qu'ils verront de grignoter rapidement dès demain ces "avantages acquis" comme ils en ont grignoté bien d'autres. Mais qu'ils fassent beaucoup ou peu de concessions, ce ne seront toujours que des aumônes qui ne changeront rien à l'indigne condition du chômeur c'est à dire d'esclave salarié condamné à la misère parce que les exploiteurs n'en ont plus l'emploi. Pour vivre décemment, il ne faut pas être dépendant de la bonne volonté d'acheteurs choisissant sur "le marché du travail" les plus corvéables et les plus dociles, et condamnant les autres à l'inexistence, à la pauvreté et à la mort. Il ne faut pas être asservi à l'obligation de se vendre pour avoir le droit de survivre. Pour retrouver une dignité d'être humain ; pour échapeer à la solide condition de l'horreur économique, utilisé ou jeté au rebut, il faut en finir avec une société où une infime minorité fait agir l'immense majorité à son service et à la perpétuation de la machinerie économique garantissant son pouvoir et ses avantages.

Pour cela il faut avoir l'esprit d'entreprendre la création d'une autre société ; une société dont la finalité ne serait  pas la "rentabilité" financière, si néfasteà l'humanité et à la planète elle-même, mais dont le but, au contraire, serait d'assurer le bien-être, la sécurité, la santé et la liberté de chacun de ses membres ; une société ayant détruit le pouvoir qui l'opprime et la mène à sa perte, et l'ayant remplacé par une organisation sociale dont chacun aurait le pouvoir réel de déterminer les choix, les orientations, les règles, les lois.

Certes, c'est là une tâche plus compliquée qu'encaisser un chèque et retourner se coucher jusqu'au retour de la vache enragée, ou attendre que des hommes providentiels résolvent les problèmes à notre place. Et il ne manquera pas de "réalistes" pour qualifier ce projet "d'utopie" irréalisable et dangereuse. Mais ces "raisonnables" là, qu'ont-ils à proposer sinon la soumission à la barbarie "civilisée" toujours plus ignoble ? Parier qu'une société plus humaine est possible, commencer à s'associer et à agir pour la réaliser, n'est certes pas forcément un "ticket gagnant" ni un choix sans difficultés et sans risques, car il est bien évident que les maîtres de ce monde n'auront aucune envie de la laisser faire et qu'ils n'abdiqueront pas leurs privilèges sans lutte. Mais c'est ça ou le triomphe du malheur. Agir ou subir, il faut choisir. Et puis, enfin... Voilà un travail digne d'être humains !

Gérard Lambert
Un "précaire" parmi tant d'autres
12 janvier 1998
 
 

Qu'est c'est c'travail ?
 

L'économie n'est pas une loi de la nature qui s'impose aux sociétés humaines, c'est un mode d'organisation particulier au système capitaliste.
Le travail salarié n'est pas une fatalité sociale, version laïque et républicaine de la malédiction divine des catholiques, c'est un moyen pour les capitalistes de produire des richesses qu'ils se partagent. 
Le chômage n'est pas le contraire du travail.
Le chômage est un moment de travail.
Il a et a toujours deux fonctions : intimider les travailleurs en activité et rendre le travail désirable pour tous. La tâche principale de l'actuel mouvement dit "des chômeurs" est de dépasser ces pièges. C'est aussi la condition indispensable de sa durée et de sa réussite.
Il est juste (moralement et stratégiquement) de réclamer par exemple que les jeunes puissent toucher le RMI, parce que leur situation apparaît, comme une incohérence manifeste. De même, il est important d'imposer la gratuité de tous les services publics pour les pauvres.
Mais un mouvement social ne peut se contenter, en guise d'arguments, des contradictions et des mensonges de l'adversaire ; il doit mettre en avant ses propres exigences, c'est à dire non seulement les raisons profondes de sa colère mais ses désirs. S'il ne le fait pas, il se borne à réclamer de la justice à ceux qui organisent l'injustice et en vivent. Ainsi il part battu.
Le fameux slogan SOYONS REALISTES DEMANDONS L'IMPOSSIBLE ! n'est pas une simple provocation ou un bon mot poétique, c'est réellement la voie du bon sens. En effet, un gouvernement auquel un mouvement social -surtout quand il bénéficie de la sympathie populaire - réclame des réformes, ne peut donner que ce qu'il a : des flics et des réformes (dans des proportions variables). Si le mouvement social pose des exigences plus hautes, le même gouvernement ne peut toujours donner que des réformes (et des flics).
Moralité : on  a toujours intérêt à combattre sur ses propres positions, en les annonçant clairement. Ca ne signifie pas qu'il faille "se couper" d'autres tendances, moins radicales, du mouvement. Mais prendre l'air innocent pour rassurer des chômeurs qui eux-mêmes prennent l'air gentil pour plaire aux cameramen de télévision, serait un jeu de dupes.

Travailler "tous, moins, autrement", comme le réclament (à qui  ?) les anarcho-syndicalistes, cela ne peut signifier qu'une chose aujourd'hui : la misère capitaliste à la bonne franquette. Et si c'est le programme d'une société libertaire à venir, pourquoi serait-il nécessaire (ou moralement préférable ?) de travailler "tous"? Je n'imagine pas que ces camarades envisagent de continuer à produire des réacteurs nucléaires, des tickets de tiercé, et des poulets en batterie...
La révolution fermera davantage d'usines, elle supprimera davantage d'emplois nuisibles en douze heures que le capitalisme en douze ans.
Ne mentons pas aux chômeurs, le communisme libertaire ça n'est pas le plein emploi !

On entend souvent dire : de l'argent il y'en a. C'est bien le problème : dans le même temps où certains en manquent pour vivre il n'y a que ça ! S'il est bon de rappeler que la société pourrait matériellement loger et nourrir sans difficultés tous ceux et toutes celles qui y vivent, il est hypocrite et pudibond de faire comme si l'argent seul nous faisait défaut. Salariées, étudiantes ou RMIstes, toutes et tous nous manquons d'abord d'espace et de temps pour nous rencontrer, échanger nos rêves, inventer nos vies. Plutôt la débauche (de caresses et d'idées) que les embauches !

Lorsque nous aurons partagé les richesses utiles et détruit tout le reste, le goût de l'amour bien fait remplacera aventageusement celui du travail.

Paris, janvier 1998

Claude Guillon
Inscrit au chômage par nécessité
Demandeur d'aucun emploi
Anarchiste par optimisme

 

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