mabun espace d'expression
mensuel
AccueilExpressionsRéactionsRessourcesSites webArchivesBoite aux lettres

 
Les archives

 
Les poèmes

Les bouquins

Les réactions

Les ressources


 
 
 
 
 
 

 

archives > ressources

 
 

Déchets : développer les alternatives


Article extrait du magazine Silence, n°239-240, janvier 1999. Il peut être librement reproduit sous réserve d'en mentionner la source. 

 
La loi interdit les décharges, les incinérateurs libèrent des produits très toxiques... Allons-nous nous laisser ensevelir sous nos déchets ? Des solutions existent pourtant, mais encore faudrait-il vouloir les mettre en place.
 

En 1989, sur 17 millions de tonnes de déchets ménagers produits en France, 43 % allaient en décharge officielle, 37 % en incinération, 9 % en compostage et le reste disparaissait (10 %) en décharge sauvage. Dix ans plus tard, le poids est passé à 23 millions de tonnes dont 46 % vont en décharge contrôlée, 45 % en incinération, 8 % en compostage et 1% en tri-recyclage. Si les décharges sauvages sont aujourd'hui contrôlées et si le tri fait une timide apparition, la situation n'a pas vraiment évolué positivement, les alternatives se sont peu développées, et la quantité de déchets continue à augmenter d'environ 2 % par an.
Une première mesure prise en 1992 par le ministère de l'Environnement prévoyait la fermeture de toutes les décharges pour 2002. Il est évident que cette loi ne sera pas applicable à cette date là. Cette loi a favorisé les grands groupes financiers, Suez-Lyonnaise des Eaux, Vivendi et Saur-Bouyghes qui ont beaucoup fait pour vendre leurs incinérateurs. Le développement de ces incinérateurs qui, pour ne pas atteindre des coûts de fonctionnement trop élevés doivent fonctionner à plein rendements, a poussé les municipalités à oublier les autres possibilités de traitement des ordures ménagères, en particulier le tri qui, à l'exception du département du Nord, avec Triselec à Dunkerque, reste marginal.
Les premières initiatives malheureuses dans le domaine du compostage ont également freiné le développement de cette méthode. Au départ, les compostages ont porté sur le tout-venant, provoquant la mise en compost de morceaux de plastiques, de reste de piles (fortement contaminant en métaux lourds)... qui lors de leur utilisation agricole, ont provoqué une pollution des sols parfois difficilement corrigible. Aujourd'hui, les nouvelles méthodes de compostage se font soit sur des déchets verts produits séparament (élagages municipaux, tonte des pelouses...) soit après la mise en place d'une collecte sélective qui n'accepte que les restes des repas.
 


La fausse piste de l'incinération



Malgré les promesses d'une "valorisation énergétique" des déchets par l'incinération, cette solution a vite montré ses limites. Il a toutefois fallu attendre, début 1998, la publication par le CNIID de chiffres affolants de pollution dans le lait maternel, dans le lait des vaches et dans la viande pour que les autorités et le grand public comprennent enfin que l'incinération n'est pas une solution.
L'incinération, comme nous l'avait déjà appris Lavoisier, ne supprime pas les déchets : il les transforme. Les avantages de l'incinérateur sont limités : outre l'énergie récupérable, on a une baisse du volume des déchets par la combustion. Mais les inconvénients sont, eux, redoutables. Le plus connu est le problème des dioxines. Du fait de la présence de plastiques dans les déchets ménagers (introduisant des molécules chlorées), lorsque l'on chauffe les déchets - actuellement autour de 500°C (1) - il se forme des molécules de dioxines qui sont, heureusement, en grande partie piégées dans les cheminées avant évacuation des fumées. Mais une étude de l'ADEME montre que l'on a à l'arrivée 2,5 fois plus de dioxines à la sortie de l'incinérateur qu'à l'entrée. Et cette dioxine n'est pas seulement présente dans les fumées. La plupart des incinérateurs utilisent de l'eau dans le processus d'incinération (jusqu'à 5000 litres par heure dans un incinérateur ayant une capacité de 100 000 tonnes de déchets par an). Or dans les eaux de rejets d'un incinérateur aux normes pour les fumées, on trouve jusqu'à 16 fois plus de dioxine dans l'eau et bien plus encore dans les mâchefers (résidus solides) et les filtres qui terminent en décharge sous haute surveillance  (dit de classe 1).
Une décharge

Le parallèle avec le retraitement des déchets nucléaires est frappant : comme pour la radioactivité, on ne la réduit pas, on la disperse !
D'autres produits posent problème : l'utilisation des mâchefers pour des infrastructures routières a déjà été remis en cause du fait de la présence de métaux lourds (plomb, cadmium, mercure...) qui risquent de polluer les nappes phréatiques.
L'incinérateur avait l'avantage de concentrer les ordures sur une faible surface en amont d'où son fort développement dans les zones urbanisées. Mais en aval, les mâchefers occupent encore 30 % du volume initial, les voisins de l'usine auront respiré de la dioxine et les poissons des cours d'eau stockeront dioxines et métaux lourds dans leurs graisses.
 


Les possibilités du recyclage



De la même manière que les alternatives au nucléaire ont deux volets : la diminution de la consommation d'énergie et la production à base d'énergies renouvelables, les solutions à la question des déchets passent par la réduction des déchets à la source et par la mise en place de filières de recyclage efficaces.
Pour déterminer ce qui est le plus important à réduire à la source, il faut spécifier ce qui est recyclable. Les élements les plus faciles à récupérer, et qui le sont souvent déjà en partie, sont le verre, les métaux et le papier/carton. Concernant le verre, le recyclage est quasi-parfait : avec une bouteille de verre, on peut refrabriquer une bouteille de verre. Il en est de même pour les métaux lorsqu'il ne s'agit pas d'alliages trop complexes : une boîte d'aluminium peut redonner une boîte d'aluminium. Pour le papier, c'et déjà un peu moins bon, car il y'a une usure des fibres : un papier de première qualité va donner un papier un peu moins bon... et au bout de huit à dix recyclages, un papier ne se "tient plus". On peut alors restaurer la qualité du papier en introduisant un pourcentage de "fibres neuves" (produit avec du bois, lequel est , dans une certaine limite, une ressource renouvelable).
Concernant les textiles, le recyclage est déjà moins bon. Il y'a une dégradation des tissus passant à l'état de serviettes, de torchons... pour finir en serpillières ou en rembourrages. Quand on arrive au niveau des plastiques, le recyclage devient très mauvais : dès qu'on chauffe un plastique pour le reformer à un autre usage, il perd une partie de ses qualités. Même si certains plastiques sont aujourd'hui presque stables, ils ne sont guère utilisés dans les usages ménagers courants (les plastiques qui résistent à la cuisson sont assez stables, alors que les bouteilles ou les sacs sont très instables). On devrait donc réserver les textiles et les plastiques à des usages longs. Si c'est le cas des textiles (vêtements), ce n'est pas le cas des plastiques dont la durée de vie est souvent de quelques minutes (cas des sacs plastiques directement du magasin à notre poubelle).
D'autres déchets sont compostables. Ce sont les épluchures de légumes et de fruits, les restes de plats, les déchets de jardin, etc. Si vous avez un jardin, vous pouvez facilement apprendre à les composter vous-même. En appartement, il existe des composteurs de petite taille, qui peuvent ensuite servir à alimenter en compost des pots de fleurs (2). Une collecte sélective peut aussi permettre de les composter à grande échelle. Il existe aujourd'hui des processus de taille  industrielle qui donnent de bons résultats (et sans odeurs pour les voisins). L'agriculture intensive a fait fortement diminuer la masse organique de nos sols. Ceci oblige les paysans à compenser par des engrais. Le compost permet de diminuer voire de supprimer les engrais. De plus, la matière organique fixe l'eau et permet de diminuer l'irrigation. L'usage du compost ainsi récupéré en milieur agricole est une richesse énorme que l'on est loin d'avoir valorisée à son juste niveau (3).
Si nous ne changeons rien à nos comportements, la collecte sélective des produits ci-dessus permet de vider une bonne partie de notre poubelle. Une collecte avec trois poubelles (recyclables, compostables, autres) est déjà une formule appréciable et relativement facile à mettre en place. Une autre solution, de plus en plus développée en Allemagne et en Suisse, consiste à demander aux gens de trier leur poubelle "recyclable" en amenant le tout dans un conteneur à entrées multiples (4). Un conteneur de ce genre permet en un seul voyage de tout ramener à un centre de recyclage. C'est une méthode bien plus économe en énergie que les acuelles déchetteries qui se sont développées en ville et qui obligent chacun à faire un long trajet (le plus souvent en voiture) et donc limitent le niveau de la collecte.
 

Belgique : une commune done l'exemple

La commune d'Oupeye, en Basse-Meuse liégeoise, a lancé depuis le printemps 1997, tout un ensemble d'initiatives visant à réduire les déchets à la source. Dans un premier temps, la commune incita les habitants, dont 80 % ont un jardin, à se lancer dans le compost. Elle assura la formation de 20 volontaires pour qu'ils deviennent guides composteurs dans leur quartier. Cette campagne a déjà permis de mettre en place 600 composts individuels la première année (alors que la commune compte 9500 ménages). Les habitants qui se mettent à composter bénéficient d'une réduction d'impôt de l'ordre de 180 F. Ceci a permis en 1998 de redescendre le volume des ordures au niveau de 1996. Dans les écoles, les enfants ont reçu une "boîte à tartine" qui leur permet d'amener un goûter sans les éternels emballages inutiles (plastique ou aluminium), la commune commence maintenant à leur distribuer des gourdes pour éviter les berlingots et boîtes en tout genre. Une négociation est en cours avec les commerçants pour mettre en place un logo communal "éco-consommation" où seront notamment diminué les emballages et valorisé la vente en vrac et au détail. L'élu écolo Michel Jehaes qui coordonne ces actions envisage d'autres actions : développement de poubelles à puce permettant de factuer à chacun l'enlèvement de ses déchets, en tenant compte des quotients familiaux, collecte sélective de la fraction organique pour ceux qui n'ont pas de jardin... (Source : Imagine, septembre 1998).


 
 

Réduire les déchets à la source



En supposant que tout le monde participe (5), en supposant que les filières industrielles se mettent en place et qu'un certain nombre de facilités administratives soient arrêtées (6), la meilleure collecte sélective ne peut pas permettre aujourd'hui de diminuer plus de 50 à 60 % du poids de nos déchets. Il existe en effet une dégradation" irréversible du fait que certains matériaux sont composites, que d'autres sont souillés, enfin que certains recyclages débouchent sur des produits de moindre qualités qui n'ont pas d'application (7).
Il faut donc réfléchir à une réduction à la source qui nous permette de nous rapprocher de l'idéal : à savoir le tout recyclable.
Pour cela il existe de multiples solutions dont certaines sont déjà appliquées à grande échelle. Ainsi, depuis de nombreuses années, l'équivalent de la SNCF en Allemagne utilise dans ses trains des couverts en fibres végétales (cellulose) : les déchets mélangés (nourriture plus couverts) sont ensuite offerts à des porcheries. Des rembourrages existent en différents matériaux (fanes de maïs, papier mâché...) pour remplacer les copeaux de polystyrène... En Allemagne, l'ensemble des producteurs d'eau minérale se sont mis d'accord pour ne plus utiliser que deux types de bouteilles en verre ce qui permet de les consigner et de les réutiliser dans l'usine la plus proche du lieu de collecte ( ce qui diminue les coûts énergétiques du recyclage).
En attendant des mesures prises à ce niveau là, on peut aussi agir au quotidien en adoptant certains comportements, parfois fort faciles à mettre en place.
Ainsi, pour supprimer les sacs plastiques, vous pouvez opter pour les paniers en osier, pour les cabas en tissu ou pour le sac en tissu ou même le sac à dos. Ma préférence va au sac en coton car on peut facilement en garder un ou deux dans la poche en permanence.
Préférez de manière générale les produits en vrac. On trouve facilement ceux-ci sur les marchés : fruits, légumes, viande, etc. Pour certains produits (oeufs, fromages frais...) il est possible de conserver les emballages précédents et de les faire remplir alors à nouveau sur place. Tout ceci sera pratiquement impossible -pour le moment- en magasin.
Eviter d'acheter les produits "non rechargeables" (style rasoirs, briquets...). Il existe actuellement une évolution dans ce domaine : on trouve maintement très facilement, par exemple, des lessives dans des plastiques très fin pour recharger votre emballage carton (8). 
Il faut chercher à supprimer au maximum l'usage des piles chez vous : non seulement les piles sont polluantes, coûtent très cher à recycler, mais elles vous coûtent aussi très cher (le prix du KWH est environ  1000 fois plus cher que celui du secteur). Comme de plus, il a fallu 50 fois plus d'énergie pour la fabriquer qu'elle n'en restitue, préférez chaque fois que c'est possible, le branchement sur le secteur.
Vous pouvez aussi diminuer des déchets qui ne finissent pas dans la poubelle, mais dans les égouts, à savoir les produits de nettoyage. Il faut savoir que ceux vendus dans le commerce sont souvent très polluants (vous avez dû entendre parler des phosphates dans les lessives). Il existe pourtant de nombreuses alternatives et il est même possible de ne pas polluer du tout en achetant ses produits dans des coopératives bio ou dans les salons écolos (9).
Enfin il faut savoir que c'est dans le domaine des plats préparés que l'on observe actuellement une gabegie d'emballages complexes : dans une boîte de gâteau, les emballages représentent souvent plus de la moitié du volume. La solution : acheter en vrac les ingrédients, un bon livre de recettes, et retrouver le plaisir de faire ses propores plats cuisinés (10).
 


A vous de jouer !



Chacun d'entre nous peut avoir un truc particulier pour supprimer un déchet. Il existe en Allemagne des clubs de quartier pour échanger des astuces, trouver parfois des solutions collectives, etc. En France, quelques associations travaillent sur le sujet (11). N'hésitez pas à nous faire connaître vos idées, vos expériences, vos pratiques... nous les répercuterons dans la revue.
Il existe aussi -toujours en Allemagne !- des clubs pour enfants qui se penchent sur ce sujet, pratiquent des collectes et des opérations de nettoyage. Une excellente méthode pour faire passer le message aux générations futures.
Enfin, nous ne pouvons terminer sans raconter cette histoire. Dans une ville allemande où un impôt a été instauré directement proportionnel au poids des ordures ménagères, un militant de Greenpeace -qui possédait un jardin- a réussi à ne rien payer du tout : il n'a eu à éliminer que des "encombrants" (vieux meubles) or ceux-ci peuvent être portés à la déchetterie gratuitement. Il reconnaissait que cela avait nécessité beaucoup de recherches personnelles, quelques restrictions de consommation, mais il témoigne que c'est possible.
 

Michel BERNARD
 

Contact : CNIID, Centre National pour une Information Indépendante sur les Déchets, 20 rue d'Amman, 75 020 Paris, tel : 01 43 58 68 65

Notes :

1 - On pourrait chauffer plus comme le propose EDF dans ses fours à pyrolyse, ce qui est fait pour les déchets industriels, mais le coût devient alors prohibitif.
2- Ces composteurs sont commercialisés en Europe du Nord. J''en ai vu une fois sur le catalogue Ikéa.
3- La France est importatrice de compost actuellement
4- Cela peut aller jusqu'à : bouteilles verre transparent, bouteilles verre brun, bouteilles verre vert, papier,  cartons, textiles, bouteilles plastique, métaux... et souvent on y ajoute médicaments, piles
5-  Selon une enquête de l'INSEE, 90 % des ménages se déclarent prêts à trier leurs déchets.
6- Le 28 avril 1998, le ministère de l'Environnement a invité tous les préfets à revoir les schémas départementaux d'élimination des déchets ménagers en visant à terme à ce que la moitié des tonnages fasse l'objet d'une valorisation matière (recyclage) ou organique (compostage). Le 26 août 1998, les services de Dominique Voynet ont pris des mesures en ce sens : obligation pour les communes d'infomer leurs habitants sur les coûts précis de la gestion des déchets, baisse du taux de TVA de 20,6 à 5,5 % pour les filières de la collecte sélective...
7- Les producteurs d'eau minérale français ont dépensé des fortunes pour nous faire croire qu'il est possible de recycler les bouteilles en plastique, mais depuis dix ans, le taux de "réutilisation" (et non de recyclage) reste stable à environ 2%. De même, TetraPak a annoncé dans ses pubs la mise au point d"un "broyat" de ses boites en papier-aluminium-plastique, broyat qui a de multiples utilisations... mais que l'on retrouvera dans quelques années : ainsi si on le met dans les sièges d'une voiture, on aura reculé le problème d'une dizaine d'années.
8- A noter que la vraie solution consisterait à venir remplir à nouveau un premier emballage à un distributeur de vrac, lequel repartirait ensuite se recharger en usine. Ce n'est pas une utopie : cela se pratique par exemple pour le lait dans les grandes surfaces en Allemagne.
9- Marques non polluantes : Eco-ver, Léruthan... Le savon de Marseille est totalement biodégradable. En grande surface, les moins polluants sont Maison Verte, le Chat et Saint-Marc.
10- Cela vous fera économiser de l'argent ... et peut vous permettre de moins travailler donc d'avoir du temps pour cuisiner. Cela vous évitera de plus les conservateurs, les aliments transgéniques ; vous permettra d'y associer vos enfants en leur donnant le sens du goût... Cela vous permettra  de boycotter les grandes multinationales de la bouffe et peut-être même de ne plus aller dans les grandes surfaces. Bref le début d'une révolution personnelle !
11- Souvent les coopératives biologiques.

 

Copyright © 2000 OS - Tous droits réservés sauf indications contraires