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Les bouquins : juin 2001



 

 
La place / Annie Ernaux
Gallimard (Collection Folio), 1997, 113 p., 21 F
 

CouvertureC'est l'histoire d'un père, ou plutôt le récit d'une fille (Annie Ernaux) sur son papa mais aussi sa maman. Un récit qui débute par la réussite au CAPES de l'auteur et par la mort de son père deux mois après. La narratrice se rappelle et elle débute par l'événement douloureux qu'est la mort de son père. Ce n'est qu'après que le passé revient et que l'on découvre la vie de cet homme avec à ses côtés sa femme. Une vie qui commence par le travail à la ferme puis vient la guerre et ses bouleversements. Puis arrive le travail à l'usine après la première guerre mondiale et ses avantages : "c'était un travail propre, à l'abri des intempéries. Il y' avait des toilettes et des vestiaires séparés pour chaque sexe, des horaires fixes." Vint le mariage de ses parents et l'achat d'un café-épicerie-bois-charbons, sa naissance, son enfance etc… Bref un parcours classique sans événements et aventures extraordinaires, "juste" la vie qui passe et qui se déroule. Une vie que beaucoup de gens ont vécu d'une manière ou d'une autre, dans ce monde ouvrier et paysan. Un monde avec ses habitudes, son mode de vie, son argot,  un monde où son père baigne et qui sera source de conflits à l'adolescence de leur fille, confrontée au monde petit-bourgeois. Fracture entre une fille cultivée ("elle étudie") et un père qui parle argot et qui sait juste lire et écrire. Fracture aussi entre son père (et sa mère) et les autres ("la peur d'être déplacé, d'avoir honte"), les personnes importantes. Mais aussi fracture entre l'enfant qui devient adulte et ses parents, séparation inévitable. Un "conflit de génération" dirait-on. Des parents que l'on quitte pour dans le cas de l'auteur un mari, des parents dont on rend visite de temps en temps et il arrive un moment où l'un d'eux meurt sans que l'on s'y attende. Rappel alors de l'être cher disparu comme Annie l'a fait. Travail de remémoration pour un récit personnel et universel à la fois. Personnel par rapport à la vie de son père et de sa mère (parcours particulier) et universel par l'aspect "banal" de ses parents : rien d'extraordinaire dans ce récit, "juste" une vie que beaucoup de personnes ont eu et continuent à avoir aujourd'hui, simplicité, épuration du récit renforcé par les phrases courtes employées. Un aspect universel qui est renforcé par l'absence de prénoms, de dates et de lieux ("Y…" par exemple) et qui permet d'éviter "le piège de l'individuel". Magnifique récit donc.

L'OS
 

Les ineffables / Lewis Trondheim
L'Association, 32 p., 2001, 35 F
 

Et hop … voilà de nouveau l’univers de Trondheim … voilà de nouveau la fable, la logique renversante et décapante … voilà la bande dessinée en action … voilà le retour du conte philosophique éclairant notre société, notre mode de vie, notre quotidien … voilà Lewis Trondheim … CHAPEAU POINTU …
Voilà « les Ineffables » qui se présente en 30 pages qui sont 30 contes aussi attachants les uns que les autres.

Ils évoquent la malédiction des présidents ; l’histoire des guêpes qui envahissent la petite ville de Saint-Benoît chaque dimanche au désarroi du curé ; l’histoire des sœurs Malikov qui eurent la mauvaise idée d’économiser par avarice l’air qu’elles respirent ; l’histoire de Dominique qui n’a jamais pu voir un seul but à la télé ; ou encore Yam-toto, le tilleul voyageur ; Zoltan Povkovitch le gobeur de mouche ; Melinda et sa voix extraordinaire qui paralysait les gens … jusqu’au moment où elle fit un tableau devant lequel elle « resta figé » et « mourut d’inanition en 10 jours » … etc, etc …
 

Du véritable plaisir … les dessins en noir et blanc sont simples et ils se présentent en petites cases, ce qui donne cette sensation - pour moi - d’arrivée dans un univers pour gosses. C’est touchant … les personnages en deviennent encore plus attachants … et l’idée philosophique s’en trouve sublimée.
Du grand art.

J’adore.

QUEMOUL
 

Histoire et bizarreries sociales des excréments : des origines à nos jours / Martin Monestier
Le Cherche Midi, 1997, 287 p., 196 F
 

Martin Monestier écrit des livres sur des sujets décidément bizarres. MAB vous a parlé le mois dernier de "Peines de mort, histoires et techniques des exécutions capitales des origines à nos jours". Cette fois-ci ce sont les excréments qui sont le thème de prédilection de l'auteur. Cet ouvrage nous apprend plein de choses sur la merde et ce de façon enrichissante, historique principalement, anecdotique parfois et jamais "vulgaire". Ainsi on apprend tout de l'histoire des pots de chambre, chaises percées et autres torche-culs, on découvre l'histoire des toilettes publiques, des excréments en ville, de leur utilisation dans l' agriculture, dans l' art et la littérature, en médecine (utilisation des lavements…), en France principalement mais aussi dans les autres pays. On nous explique plein de choses sur le papier toilette, le comportement sociologique des gens face aux matières fécales ou encore les croyances et superstitions attribuées aux excréments. Parmi tant d'autres choses j'ai appris qu'en Asie les excréments servaient à la nourriture des poissons d'élevage et ce depuis des millénaires. L'Europe possède aussi des bassins où les poissons sont nourris avec des déjections mais les matières organiques sont moins importantes par exemple que la Chine. Cela ne donne pas trop envie de manger du poisson après avoir lu cela. Je ne savais pas aussi que les musulmans (dans les pays à religion musulmane forte) n'utilisent pas de papier pour se nettoyer le derrière mais de l'eau. Etc etc… 
 Le pet n'est pas oublié et le passage est fort instructif. D'un abord donc très simple tout en étant très riche cet ouvrage est à mettre entre toutes les mains. Il faut dire que les excréments sont encore tabous dans notre société et ce livre remet clairement les choses en place. On peut toutefois regretter l'absence de bibliographie sur le sujet, élément indispensable vu le thème abordé.

L'OS 
 

Voici l'homme / Michael Moorcock
L'Atalante, 2001, 185 p., 60 F

« En vérité, je vous le dis, j’étais Karl Glogauer, et à présent je suis Jésus, le Messie, le Christ ».

Ce roman est la vie de Karl.
Sa vie dans le présent où il se trouve projeté grâce à une machine temporelle en l’an 28 … il veut assister à la crucifixion du Christ …
Sa vie dans son passé : son enfance, son adolescence …. au 20ème siècle … 

Karl est d’origine juive, mais il n’a jamais été éduqué selon. A l’école, il « n’acceptait la religion chrétienne que du bout des lèvres ». Karl baigne de lui-même dans une notion religieuse … il est toujours en mouvement : du christianisme formel, il passe par le paganisme. 
Sa sexualité n’échappe pas à sa fixation, « il pensait à des filles avec de petits crucifix d’argent pendant entre leurs seins et la pensée l’excitait jusqu’à des sommets incroyables de plaisir ». Il y a aussi l’acte de masturbation qui accompagne la prière du « Notre Père » … un tourbillon  … un tourbillon … un jour un vicaire abusera de lui … dégoût … tourbillon … dégoût … tourbillon … tout ceci embrouillera sa propre recherche d’identité.
Karl est obsédé par son identité, « je suis un raté qui se plaint de l’être » ; « je ne suis pas sûr de savoir qui je suis » … il est capable de perdre toute trace de lui-même …

Identité/religion/sexe/identité/religion/sexe … Identité/religion/sexe/identité/religion/sexe … Identité/religion/sexe/identité/religion/sexe … Identité/religion/sexe/identité/religion/sexe …

Puis, un jour :
« le temps n’est rien qui concerne l’espace … il concerne la psyché »
 … voilà la machine temporelle … 

Alors, Karl pourra répondre à sa question : 
« comment puis-je aider ces gens si je suis moi-même un fugitif ».

Sa réponse est à l’an 28 … sa réponse est dans le fait que Jean le Baptiste n’avait jamais entendu parlé de Jésus.
« cela signifiait-il qu’après tout le christ n’avait pas existé ? ». 

Sa réponse sera son destin … et quel destin.

« Voici l’homme » est un roman très complet, avec des références diversifiées : histoire religieuse ; univers psychiatrique ; Philosophies (etc, etc).
Karl va s’adapter à la vision biblique tout en étant l’inspirateur de l’écriture … C’est un véritable régal, une aventure extraordinaire.
La lecture de ce roman est très agréable. On y trouve de la poésie dans la forme elle-même de l’écriture … des poèmes naissent selon l’état psychique de karl. La narration de l’an 28 se mélange à celle du 20ème siècle. Génial.
« Voici l’homme » est un conte qui se lie d’un trait et qui ne laisse pas indifférent.
 

QUEMOUL
 
 

Tout un oiseau / Richard Morgiève
Pauvert, 2000, 71 p., 59 F
 

Un petit ouvrage et un personnage principal qui se prend pour un oiseau. Dans cette pièce de théâtre, Zacharie Obel-Bréchet (qui voulait faire changer désespérément son nom) nous entraîne dans un monologue quelque fois coupé par de brèves apparitions. Vêtu d'un string doré, de lunettes de soleil, traînant derrière lui une sorte de queue faite de plumes, il est poudré et ses cheveux sont ramenés en arrière. Zacharie (prophète ?) nous parle surtout de son père et de sa mère, de ses rapports avec ses géniteurs (sont ils de vrais parents ?), où tout nous ramène à eux. Il nous parle pourtant de son anus qu'il n'avait pas, de la sodomie, de la masturbation, des poulets (merveilleuse comparaison entre l'homme et le poulet) et de son échec au concours d'entrée de l'Ecole supérieure d'ornythologie où il plonge un poulet hypnotisé dans l'eau bouillante avant de s'apercevoir qu'"humainement, on le décapite". On a droit aussi à une présentation de la femme, être qu'il faudrait selon Zacharie simplifier au maximum, de l'amour qui le tourmente et qui est quelque peu incestueux. Pour finir par l'éternel questionnement dont n'est pas dupe Zacharie : "suis-je beau, suis-je intelligent, suis-je aimé, qui suis-je ?" Alors que "l'existence n'est qu'une demande d'emploi jamais lue , et que personne ne lira jamais, car l'emploi est pour l'éternité vacant".  Un texte qui touche du fonds du coeur, non conventionnel comme on les aime, plein d'ardeur et percutant où l'on retrouve l'image du père et de la mère, figures omniprésentes dans l'œuvre de Richard Morgiève. 

L'OS 
 

Sex vox dominam / Richard Morgiève
Pocket, 1998, 217 p., 30 F

couverturePar où commencer pour ce Sex vox dominam tiré du bas-latin ? Il faut dire que ce livre ne vous laisse pas tranquille même après en avoir lu la dernière phrase. Il vous poursuit ensuite en rêves et ce n'est que plus tard que l'on peut respirer plus tranquillement et sereinement. Car ce roman nous montre la descente en enfer d'un "surfeur de pub", Richard de son prénom, 35 ans d'âge, riche et marié dont la vie va changer du jour au lendemain,  le jour où sa femme le quitte pour son meilleur ami. Impensable, chose inconcevable pour Richard qui décide alors de s'appeller Kadabideur et de ne plus écrire le mot "même" qui est remplacé par une étoile "*" car il ne veut "plus utiliser le verbe aimer sans le savoir alors ce sera l'étoile". Le coup est rude pour Kadabideur qui se bourre la gueule et fonce sur son cabriolet en essayant d'oublier... C'est le retour de la cigarette et d'une envie terrible de sexe qui le démange (vidéos et anus-po !). Déambulations qui se terminent quand un veil ami (Frisquet) le retrouve et l'entaîne dans une soirée spéciale, sadomasochiste qui va plonger Kadabideur dans l'horreur, le sexe "torturé", poursuivi par un diable et une miss démoniaque, un chauffeur amoureux qui ne le lâcheront pas d'une semelle . Quoi qu'il fasse il ne peut pas ou ne veut pas leur échapper, trop abattu pour réagir comme il faudrait réagir normalement, décidant malgré lui de subir ces épreuves, épreuves de plus en plus avillissantes, le détachant de son boulot et de la société, le transformant en objet ... Il entraîne même avec lui sa première femme (So ouat) et se venge de son ex-femme (la femme de x) en tentant de la violer et en compressant sa bagnole. Descente de Kadabideur en enfer alors que l'environnement social se délétère suite à d'incessantes pluies en France.  Reste à savoir si Kadabideur va en réchapper et le monde avec ? Mais je n'en dirais pas plus. Un style haché, des phrases coupées de points ou de tirets ("Comme retenir une chaude envie de. Ou. Comme une haleine brutale qui s'empare de lèvres soumises. C'est. Impitoyablement présent. C'est là. Et dur. Il pleut."), un texte coupé au "sécateur" et des moments terribles où seul l'évocation suffit (point besoin de détails). Lire Richard Morgiève n'est pas sans conséquences... 

L'OS
 

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