Le voyage / Baudoin
L'Association (collection ciboulette),
1996, 139 F
Lire Baudoin, c’est thérapeutique … c’est émouvant, c’est
poétique … c’est beau.
« Le voyage » est une histoire qui nous est proche … c’est
une quête de la liberté … une quête dans la naissance
du monde …
C’est l’histoire d’un homme qui prend la fuite : « Ce matin j’étais
avec mon gosse, ma femme … je suis ici. Je ne sais pas comment s’appelle
ce village et l’étrange est que ça n’a pas d’importance »
…
Dans la fuite … le hasard … Il rencontre sur le chemin, un clochard
… « Bonjour mon seigneur ! Beau temps aujourd’hui hein ? C’est un
beau jour pour partir hein ? Partir … tout lâcher … hein ? »
… ce vieil homme est mythique … un oracle … que l’on retrouvera … l’incarnation
du destin.
Il rencontre aussi un marionnettiste avec qui il part à Saint-Malo
… où il rencontre une femme et son frère avec qui il part
en croisière … vers la Rochelle … la quête toujours la quête
…
Il est amoureux de la femme, elle l’aime mais … « Moi, aussi
je t’aime mais toujours n’existe pas ».
En Bretagne, il rencontre une vielle dame … qui nous entraîne
dans un conte avec des Elfes : « Je ne me suis jamais mariée
et sous leurs baisers je restais jeune » … la fuite continue, la
quête continue … « ce soir j’aimerai que vous disiez le pourquoi
de la vie » ; « Alors, juste pourquoi je suis là »
… féerique … une nouvelle perception au contact de la vie …
C’est du grand art …
Le dessin comme toujours capte l’émotion, le noir et blanc ensorcelle
… du rêve, du cauchemar. Les coups de crayons pètent un plomb
dans l’atmosphère du métro, du train … : la névrose
se matérialise. Dans cet univers artistique, les pensées
se dessinent sur la tête de l’homme en fuite … c’est là, l’originalité
… c’est là la beauté, la poésie … « C’est étrange
votre crâne donne l’impression d’être ouvert, sans protection
» ... l’homme en fuite ne peux rien cacher … il est ouvert, sensible
… c’est émouvant, tout comme les scènes d’amour qui sont
magnifiques. Les corps nus sont en mouvement, de véritables vagues
… c’est reposant … c’ est émouvant …
« Le Voyage » … est une ballade dans le subconscient
… une recherche de la liberté, du plaisir … un roman … du grand
Baudoin, comme d’habitude.
QUEMOUL
Un été pourri
/ Maud Tabachnik
Ed. J'ai Lu, 2000, 286 p., 32 F
Précédemment
paru aux éditions Viviane Hamy, le roman policier de Maud Tabacknik
(qui s'est mise assez tard à l'écriture) est un modèle
du genre. Peut-être trop calibré à mon goût.
Mais l'intrigue est parfaite.
L'histoire se passe à Boston, une ville américaine, où
sévit la canicule et un mystérieux tueur en série.
Un tueur en série qui égorge et châtre ses victimes,
des hommes. Des hommes qui ont cherché à violer ou brutaliser
des femmes voire qui sont passés à l'acte et qui finissent
mal. Comme ce forain - Latimer- qui a violé et entraîné
dans le coma une petite fille et qui a été relaxé.
L'avocate des parents n'a rien pu faire. Un sursis qui sera de courte durée…
Sam Goodman, en "bon" flic mène avec son collègue Johnson
l'enquête. Seul problème il n'a pas de piste. Pourtant
l'auteur nous présente des personnages troubles et troublants. Comme
Fanny Mitchell, jeune femme qui travaille chez le juge, lourde d'un passé
très difficile à surmonter (un soir elle fut violée
par un ami de son père qui a violé sa mère juste avant
-sa mère deviendra folle-). Thomas Herman, journaliste au Boston
chronicle, en devient fou amoureux lors d'un week-end qu'il organisa en
compagnie de la jeune femme et de deux de ses amis, Ron et Augusta Magnusson
(professeur et avocate de leurs états). Un couple bien sous tout
rapports mais insatisfait au plan sexuel. Il faut dire que Ron a eu un
accident qui a touché son appareil génital et qu'il ne peut
plus psychologiquement faire l'amour avec sa femme. Il ne manque plus que
Sandra Khan, responsable de la rubrique judiciaire au Boston chronicle
et lesbienne, qui a aussi un passé douloureux (son ancienne amie
a été violée et assassinée). Donc pas mal de
personnages qui pour nous et pour Sam Goodman sont susceptibles d'être
le fameux tueur. Où les fameux tueurs ? Car comme le rappelle Sam
Goodman à la fin du livre "les réponses on nous les a toujours
données". Il faut juste "poser les bonnes questions…" Ce que fait
Maud Tabachnick dans ce roman… Les réponses sont données
presque dès le début, on se doute du ou des coupables mais
on a oublié de se poser les bonnes questions. Heureusement on découvre
comme tout bon roman policier le (les ?) coupables à la fin, coupables
qui finalement s'en sortent bien. Lisez-le vous verrez…
L'OS
Effroyables jardins : roman
/ Michel Quint
Ed. Joelle Losfeld, 2000, 62 p., 35 F
Ce
petit texte a rendu célèbre son auteur, qui jusqu'à
présent était peu connu du public. Grand prix de la littérature
policière en 1989, Michel Quint nous offre ici un texte qui n'a
rien du roman policier mais qui nous entraîne dans la résistance
en France lors de la seconde guerre mondiale. Le roman débute par
un texte en italique qui nous rappelle qu' un clown a assisté régulièrement
aux audiences du procès de Maurice Papon et où un huissier
l'a entendu dire la phrase suivante : "Sans vérité, comment
peut-il y' avoir de l'espoir ?". Il faudra attendre la fin pour en comprendre
la signification, très métaphorique. Ensuite le narrateur
nous parle de ses années d'enfance, de son père, instituteur
qui se déguisait en clown le week-end et qui allait jouer sur des
scènes pour le plaisir. Quelques verres d'alcool lui suffisait.
Pour le narrateur cette "manie" de clown lui fait honte. Jusqu'au jour
où, après avoir vu un film allemand, le cousin de son
père, Gaston, marié à Nicole ("femme potelée
qui s'esclafait sans cesse"), lui raconte toute l'histoire. Cela remonte
à la deuxième guerre mondiale. Gaston et son père
-résistants- font sauter un transformateur de la gare de Douai.
Quelques temps après ils sont arrêtés tous les deux
et jetés dans un trou d'argile avec deux autres personnes. Les allemands
les détiennent comme otages suite à l'explosion du transformateur….
Je ne vous en dirais pas plus mais sachez qu'ils sont gardés par
un soldat qui est clown dans le civil. La suite est remarquable et d'une
grande sensibilité, qui invite au rappel et au souvenir, à
dépasser un manichéisme primaire comme le dit si bien Michel
Quint dans la dédicace : "A la mémoire de mon grand-père
Leprêtre, ancien combattant de Verdun, mineur de fond, et à
celle de mon père, ancien résistant, professeur, qui m'ont
ouvert en grand la mémoire de l'horreur et fait pourtant apprendre
la langue allemande, parce qu'ils sentaient bien que le manichéisme
en histoire est une sottise (…)".
L'OS
Rendez-vous au pub / Roddy
Doyle
Ed. J'ai Lu (collection Librio), 2001,
84 p., 10 F
Dublin.
« Danny Murphy avait rendez-vous avec son frère »
« Il n’avait pas vu Jimmy depuis vingt ans, et ne lui avait pas
parlé »
Ce soir, les souvenirs ont rendez-vous au « Todd’s », un
pub symbolique où les deux frères ont bu première
GUINNESS, alors qu’ils n’avaient pas l’âge … leur première
gerbe …
Ce soir, le théâtre de la rue se réanime un court
instant, lui qui connaît une fin certaine : les maisons se vendent
à prix d’or … plus de vie … plus d’anecdotes … même le patron
du bar est amer : « Tous les anciens sont morts, ou ils ont déménagé.
(…) C’est le bar de personne maintenant ».
Mais ce soir … revoilà monsieur « un joli morceau de jambon
», voilà « Belly Dunne » qui a connu une mort
anecdotique : « S’il n’avait pas pris sa retraite, il aurait été
dans le bus et pas en dessous » … revoilà la vie, voilà
les souvenirs.
Ce soir, les deux frères vont revivre leurs enfances … leurs
querelles … leurs premières filles … les coups foireux … le rôle
du pleurnichard … le rôle de l’emmerdeur.
Ils étaient inséparables … malgré les frictions
mais maintenant Danny vit à Dublin et Jimmy lui vit à Londres.
Au cours du roman, le lecteur va donc comprendre le pourquoi de la
rupture et aussi la raison pour laquelle Jimmy a téléphoné.
Ils sont heureux de leurs retrouvailles mais les vieilles rivalités
reviennent, les goûts acides reviennent, les cicatrices réapparaissent
…
Les deux frères vont-ils réussir à combler «
toutes les années manquantes », afin de connaître le
présent ?
Telle est la question.
« Rendez-vous au pub » est un roman qui se vit d’un
trait. Cette histoire est émouvante, sympathique …
Les souvenirs des frères liés au quartier transportent
le lecteur dans une ambiance connue … comme si tout ceci avait pu être
son histoire.
La chute est géniale, elle touche réellement …
La lecture de ce roman procure un véritable moment de plaisir,
il ne raconte pas de grandes aventures à part si ce n’est que celle
de la vie.
Un bon moment familial, social, amical … comme quoi la vie peut être
simple si on le souhaite.
QUEMOUL
Ubu roi ou Les Polonais/
Alfred Jarry
Ed. Mille et une nuits, 2000, 84 p., 10
F
Ce petit texte destiné aux théâtre de marionnettes
fait partie des classiques de la littérature. Pour 10 balles il
ne faut surtout pas se priver. Cette pièce ravageuse nous présente
la prise de pouvoir du Père Ubu, officier du roi en Pologne (bien
imaginaire..). Il prend ainsi la place au roi Venceslas et de ses fils,
la Mère Ubu elle devient reine. En moins de temps qu'il n'en faut
pour le dire le Père Ubu fait tuer un nombre impressionnant de gens
: des nobles ("en avant les nobles, et comme je ne finirai pas de m'enrichir,
je vais faire exécuter tous les Nobles, et ainsi j'aurai tous les
biens vacants" annonce le Père Ubu) des magistrats et des financiers.
Seul maître à bord il se charge lui même de collecter
les impôts et il devient en moins de temps qu'il n'en faut pour le
dire très impopulaire. Le capitaine Bordure qui l'avait aidé
à prendre le pouvoir et qui a été récompensé
en étant mis en prison arrive à s'échapper de sa cellule
et à formenter une rébellion avec l'aide de la Russie. S'ensuit
une bataille et la défaite d'Ubu et de l'armée polonaise.
Ubu arrivera t'il à s'en sortir ?
Dans cette pièce Alfred Jarry renverse les poncifs du théâtre
classique en les parodiant comme la bataille entre l'armée russe
et l'armée polonaise. Le comique et la parodie abondent tout au
long de la pièce bien que ce soit un drame (grâce aux actions
et aux mots employés tels "le crochet à nobles, les oneilles"
ou encore "le voiturin à phynances") . L'effet dramatique est presque
complètement effacé et on retient surtout le comique des
situations et du Père Ubu. Un texte qui critique donc le pouvoir
absolu mais surtout la férocité des hommes et la méchanceté
qu'ils ont à se détruire. Une œuvre donc tout à fait
contemporaine de notre époque.
L'OS