La chasse au tatou dans
la pampa argentine / Jean-Bernard Pouy
Ed. Baleine, 1999 (Canaille / Révolver),
131 p., 42 F
Vous
trouverez dans ce livre (pas donné cependant) plusieurs nouvelles
de Jean-Bernard Pouy qui ne sont pas sans rappeler certaines nouvelles
de Didier Daeninckx dans Passages d'enfer. Noires, ironiques et
pour certaines se finissant bien, ces nouvelles feront sourir et grincer
des dents comme la nouvelle intitulée Péage où une
employée qui travaille dans une cabine à un péage
pête les plombs un soir ; comme celle ou deux vieux montagnards doivent
affronter une meute de chasseurs qui veulent leur prendre un trésor
imaginaire ; comme celle où un guitariste d'un groupe de rock fout
le bordel dans une salle entière, déçu comme les autres
membres par l'abandon par le chanteur du groupe ; ou comme Histoire de
truffes où un chien nous raconte sa vie, de chercheur de truffes,
de montagnards blessés puis de chien policier jusqu'au moment où
il en a marre et se venge...
Parfaitement construites ces nouvelles se lisent avec grand plaisir
et on ne peut qu'en redemander.
L'OS
Lanzarote : au milieu du monde
/ Michel Houellebecq
Flammarion, 2000, 90 p. + 1 livre
avec photos, 149 FF
Publié sous coffret et comprenant deux livres (un de texte et
un de photographies), le dernier ouvrage de Houellebecq est un bien bel
ouvrage. Mais pas forcément idéal pour les cadeaux de fin
d'années vu le récit fait par Houellebecq (narrateur-auteur)
de son séjour de vacances d'une semaine à Lanzarote, île
volcanique des Canaries et peu propice à des vacances normales.
Car à Lanzarote, à part un jardin de cactus et un parc national
plutôt fantomatique, les activités touristiques sont proches
de zéro. Reste les plages et les rencontres avec les autres vacanciers
qui sont dans leur grande majorité anglais et allemands. Le narrateur
fait ainsi la rencontre de deux lesbiennes allemandes qui sont aussi hétérosexuelles,
d'un policier Belge désespéré et de membres d'une
secte dénommée les Azraéliens. Finalement pas de quoi
s'ennuyer à Lanzarote.
Un récit donc bien sympathique (sans ironie) où l'on
retrouve le "style" Houellebecq" et ses considérations "assassines"
avec en prime de superbes photos. Votre prochaine destination touristique
?
L'OS
En attendant le vote des bêtes
sauvages : roman / Ahmadou Kourouma
Ed. du Seuil, 2000 (Collection Points),
380 p., 45 F
Juré
craché : j'avais commencé à lire ce livre avant de
savoir que son auteur obtienne le prix Renaudot. Je voulais le lire parce
que j'avais vu une pièce de théâtre adaptée
de ce roman détonant. Construit sous forme de 6 veillées
constituant 6 chapitres, ce roman est une cérémonie
purificatoire, un donsomana en malinké, du dictateur-président
de la République du Golfe, Koyaga. Le donsomana est raconté
par un sora ("je louange, chante et joue de la cora") et il est accompagné
par un saltimbanque du nom de Tiécoura, un répondeur. Des
proverbes ponctuent le récit et servent d'intermède entre
les parties (ils invitent à réfléchir sur ce que l'on
vient de lire). Le dictateur Koyaga est bien sûr présent ainsi
que son ministre de l'orientation, Maclédio. On suit donc l'histoire
de Koyaga, de ses parents à sa naissance, de son adolescence à
sa prise de pouvoir, de son règne jusqu'à sa "déchéance".
Mais on suit aussi l'histoire de sa mère, Nadjouma, et d'un marabout
à la solde du dictateur, qui le protège dans son parcours
grâce à une météroïte, un Coran et divers
tours de magie. Il évite ainsi les attentats de ses ennemis et peut
exercer un pouvoir total sur la République du Golfe. Une assez longue
partie est consacrée à Maclédio, le fidèle
compagnon de Koyaga. Son parcours n'est pas sans rappeler celui de Candide
de Voltaire où Maclédio est à la recherche de son
homme de destin (homme ou femme). D'aventures en aventures il finira par
rejoindre le dictateur. Ce roman présente à la fois un côté
fantastique, historique et bien évidement politique . Fantastique
comme lorsque Koyaga, alors jeune chasseur, affronte au moyen de la magie
plusieurs bêtes terribles qui semaient la pagaille dans la forêt,
magie et mythes qui permettent à Koyaga d'accéder et d'asseoir
son pouvoir (avec la météroïte et le marabout). Historique
à travers la colonisation de l'Afrique et sa décolonisation,
avec la guerre froide, sa fin et la politique du FMI et ses ajustements
structurels. Politique avec la lutte contre le colonisateur, le fameux
coup d'Etat et l'inévitable dictature qui s'en suit, le renversement
du dictateur (qui ici arrive à rester au pouvoir et où ses
adversaires ne valent guère mieux). Le fameux voyage d'"études"
de Koyaga chez les autres dictateurs africains est une véritable
délectation, à l' ironie mordante et où l'on peut
reconnaître les protagonistes (Mobutu, Bokassa...). Un récit
merveilleusement bien ficelé, envoutant, très riche du point
de vue historique, politique, sociologique... qui devrait faire l'unanimité.
L'OS
Le lapin exterminateur : nouvelle
édition revue et aggravée : roman / Henri-Frédéric
Blanc
Le serpent à plumes (collection
motifs), 1999, 270 p., 39 F
Le
lapin exterminateur est un roman qui tombe à pic pour les fêtes
de Noël. Il nous propose de suivre les aventures d'un ancien capitaine
de la marine marchande, le capitaine Radock (sic), qui se retrouve à
la rue un 24 décembre à Paris. Tout au long de cette journée
il va rencontrer moult personnages et avoir moult péripéties
plus ou moins burlesques et extravagantes.
Impossible de tout vous résumer mais sachez qu'il va rencontrer
son cousin (le roi de l'andouille), un prêtre, un SDF ancien roi
du désert, un écrivain minimaliste (Cassenoix), son neveu,
un psychanalyste qui lit l'avenir sur le système fessier etc...
On découvre tout au long du récit des fragments de la vie
antérieure du capitaine, viré de la marine marchande pour
avoir coulé un supertanker, grand amateur de whisky et portant barbe
et casquette.
Cette virée commence de façon plutôt banale (rencontres
qui se passent plus ou moins bien et qui sont l'occasion d'asséner
quelques coups de gueule) puis l'action se détraque : il est recherché
par la police, accusé d'avoir semé la pagaille lors d'un
"Congrès du futur" réunissant de nombreux hommes politiques.
La virée n'en devient alors que plus mouvementée et la fin
est bien évidemment catastrophique pour notre capitaine. Mais ne
lui a t'on pas annoncé que ce soir c'est la fin du monde, le "Grand
Cacaraboum" ! Alors peu lui importe de mal finir mais il s'agit de finir
en beauté. Pas de complexes pour Radock. Pourtant il avait
un beau projet pour renflouer la France : la foutronomie où
la fesse est une matière inépuisable qui permettrait à
la France une relance économique puisque selon le capitaine : "Je
ne sais pas si l'homme descend du singe mais je suis sûr qu'il monte
vers le cochon" (p. 135). Bon ça n'a pas marché mais c'était
un beau projet quand même. Mais Radock n'a pas dit son dernier mot
!
Un roman qui se dévore, où l'on se marre, qui fait plaisir,
qui fait du bien, à lire le 24 décembre pour ceux et celles
qui s'ennuient lors du repas traditionnel ou qui ont envie de passer une
bonne soirée. Vous n'allez pas le regretter, c'est moi qui vous
le dit.
Je laisse le mot de la fin au capitaine Radock :
""Bonne journée et joyeux Noël". C'est ça, bonne
journée, bonne semaine, bon mois, bonne année, bonne vie,
bon néant..."
L'OS