Voici
un roman qui se lit sans en avoir l'air. On rentre dans ce livre et on
se laisse bercer par l'histoire, par cette histoire immobile (lancinante
plutôt) qui nous montre deux noirs habitant le même appartement
dans un quartier de Montréal, un quartier pauvre. L'un (le narrateur)
n'arrête pas de draguer et de sortir avec des filles blanches bien
comme il faut (des filles wasp : white anglo-saxon protestant) tout en
cherchant à écrire un roman sur une vieille Remington. L'autre
personnage s'appelle Bouba et passe le plus clair de son temps à
dormir, à lire le Coran tout en écoutant du jazz sur un vieux
canapé. Les différentes aventures amoureuses et Bouba sont
l'occasion de réflexions sur les rapports entre blancs-blanches-noirs,
le livre se veut une claque contre les clichés racistes et stéréotypés.
L'OS
Poésies / Michel Houellebecq
Ed. J'ai Lu, 2000, 316 p., 41 F
Sorti
en même temps en poche que Les Particules élémentaires,
ce bouquin regoupe plusieurs recueils de poèmes sortis il y'a déjà
quelques années. Il faut remarquer que ce n'est pas souvent qu'un
bouquin de poésie sort en poche : il faut un auteur tel que Houellebecq
pour l'oser. Malheureusement les poèmes de l'auteur sont très
inégaux et dans l'ensemble on en ressort déçu. Bien
sûr ces poèmes sont dans leur majorité pessimistes
et désabusés. La solitude, la vanité des êtres
et des choses, l'amour qui n'apporte (presque) que déceptions, le
libéralisme, le monde dans lequel on vit ; tout cela se retrouve
à travers ces poèmes d'où émerge quelques perles.
Extraits : "La nouvelle année nous engage - A détruire quelques
relations - Et à démolir quelques cages. - A désassembler
des fictions". Ou encore : "Cheveux dénoués - Elle me regarde
avec confiance - Corsage échancré. - Le lit est défait
- Des oiseaux marchent entre les cèdres ; - Nous sommes dimanche
(...) - Son regard durcit, - Sa main attrape la valise - tout est de ma
faute."
Un bouquin à emprunter en bibliothèque.
L'OS
Les particules élémentaires
/ Michel Houellebecq
Ed. J'ai Lu, 2000, 316 p., 41 F
Houla
la ! Ami lecteur ou amie lectrice si tu es désepéré(e)
ce livre n'est pas pour toi car désespéré et noir
il est. Reprenant les thèmes d'un de ses anciens bouquins (Extension
du domaine de la lutte) sur le libéralisme et la sexualité,
sur l'individualisme et l'égoïsme de notre société,
l'auteur s'attache ici plus particulièrement au monde de la manipulation
génétique, manipulation qui permettrait d'échapper
aux bassesses humaines et de devenir un Dieu parmi d'autres Dieux. Ce roman
raconte la "vie" de deux demi-frères Michel et Bruno. Michel, chercheur
en biologie , se morfond dans une vie désespérément
plate et sans intérêt, à la recherche d'une nouvelle
espèce d'êtres humains qui seraient des Dieux immortels, loin
de l'égoïsme et de la vanité des hommes. Bruno lui est
enseignant et est continuellement en quête de rencontres sexuelles
très souvent désastreuses ("Il enfila un caleçon de
bain, glissa des préservatifs dans sa sacoche d'un geste qui lui
arracha un rire bref. Pendant des années il avait porté des
préservatifs sur lui en permanence, ça ne lui avait jamais
servi à rien ; de toute façon, les putes en avaient" (p.
132)). On suit ces deux hommes dans leur tragédie, dans la poursuite
pathologique de Bruno des aventures sexuelles notamment au camping un peu
spécial du Lieu du changement. Il y rencontre une femme, Christiane,
qui va lui permettre d'accéder à ses désirs. Mais
tout cela sera de courte durée. Quant à Michel, abandonnant
son poste de chercheur, il ne fait rien de particulier de ses journées,
se contentant de temps en temps d'une virée au Monoprix du
coin, fidèle client de ce magasin. Il finira par revoir une ancienne
amie, un ancien amour raté. Mais tout est trop tard. Finalement
il reprendra ses recherches sur les mutations génétiques.
Mais ce roman n'est pas que l'histoire de ces deux hommes. Le tout est
entrecoupé de passages sur la société qui est en passe
de subir une troisième mutation métaphysique ; de descriptions
scientifiques qui donnent au récit un aspect très biologique,
presque de dissection de l'homme. Ces descriptions sont renforcées
par l'aspect sociologique des réflexions des personnages et de l'auteur-narrateur
sur les relations sexuelles et sociales des gens, sur la société
libérale actuelle. Même si l'on a du mal à "adhérer"
à la vision de cette troisième mutation ce livre décortique
fort habilement le monde social dans lequel nous (les pays dits développés)
vivons à travers le destin de ces personnages où chacun pourra
reconnaître une part de soi-même.
L'OS
Dégraissez-moi ça
! petite balade dans le cauchemar américain / Michael Moore
Ed. La Découverte, 2000,
211 p., 98 F
"Roger et moi" ça vous dit quelque chose. Rappelez-vous, le film
documentaire d'un américain à la recherche du "boss" de l'entreprise
General motors qui avait massivement licencié à Flint, ville
des USA. Si vous avez vu ce film ou "The big one", film plus récent
de Michael Moore, vous allez adorer ce livre qui décape les sampiternelles
aneries sur la croissance américaine et autres mensonges ressassés
par les médias. Ici on se marre et on apprend plein de choses sur
les USA mais aussi en général sur le capitalisme aujourd'hui.
L'auteur s'attaque aux entreprises et à tout ceux et celles qui
pratiquent le dégraissage économique au nom du fric et au
détriment des hommes. Les politiques ne sont pas de reste dans ces
pratiques en aidant avec forces aides les entreprises. Les républicains
et les démocrates en prennent plein la tronche sauf Hilary Clinton
(!!). Ce livre est donc consacré au monde du travail aux USA, à
la situation économique et politique et il propose avec humour les
moyens de résister pour s'en sortir. On a droit ainsi à un
petit manuel du licencié façon Michael Moore, aux différentes
façons d'immigrer facilement aux USA, sur la façon de bien
organiser une émeute, de lutter contre la délinquance en
col blanc....etc etc. Quelques titres de parties qui en disent long et
pour vous mettre l'eau à la bouche : Libérez-nous Nelson
Mandela !, Et si General motors vendait du crack ?, Dix façons de
dégraissez les patrons... C'est rigolo mais en même
temps sérieux et pas con comme le prospectus sur la Mike's penal
systems Inc (un nom inventé bien sûr) qui vante le coût
peu élevé des prisonniers par rapport aux salariés
ou encore pour réduire les dépenses publiques la proposition
de Moore de délocaliser le gouvernement américain au Mexique.
Et croyez moi ce ne sont pas des idées en l'air. Michael Moore aime
les travaux pratiques et n'hésite pas à mettre en branle
ses projets comme lorsqu'il fait appel aux Etats qui aident le plus les
pays en voie de développement afin d'obtenir une aide pour les pauvres
des Etats-Unis.
Bref on se marre et on s'instruit en se disant qu'il faut faire le
maximum pour éviter ce qui est décrit dans le livre.
L'OS
Tarzan malade / Hervé Prudon
Gallimard, 1997 (Série noire),
163 p., 38 F
Drôle de titre pour ce roman qui fut publié initialement
en 1979 ! Il me rappelle en tout cas l'ambiance et le ton d'un roman de
Manchette. Superbement ficelé, Prudon nous entraîne sur une
histoire de tueurs à gages : Morvan, appelé La Morve (il
est décrit comme ayant notamment les dents vertes...), doit supprimer
la fille (Lucinda, née lors d'un premier mariage) d'une femme
mariée à un industriel fortuné du nom de Jacques Passoveur.
Mais le tueur (mandaté par Passoveur) se trompe de cible, la victime
rencontre un professeur de français (Ramier) marié et rangé
qui se retrouve malgré lui impliqué dans cette histoire qui
finira mal. Car un "vrai" tueur apparaît bientôt (il s'appelle
Panzer !) qui lui ne rigole pas quand il s'agit d'éliminer quelqu'un.
Et quand Passoveur finalement se rétracte et ne veut plus la mort
de Lucinda, il est trop tard pour revenir en arrière. Rien à
dire un roman noir bien foutu comme on les aime. A lire donc selon la fomule
consacrée de mon cher pote Quémoul.
L'OS