Les bébés
de la consigne automatique / Murakami Ryû
Ed. J'ai Lu, 1999, 509 p.,
47 F
Etre
abandonné bébé dans un casier de consigne automatique
et en sortir vivant. La chose n'est pas facile et même si le bébé
s'en sort le traumatisme n'est pas prêt de s'éteindre.
C'est ce que nous montre ce livre avec l'histoire de deux bébés
(des garçons) abondonnés dans une consigne de gare à
leur naissance. Muent par une volonté de survivre et par un hasard
de circonstances les deux bébés (Hashi et Kiku) s'en sortent.
Ils sont recueillis par des bonnes soeurs et élevés ensembles.
Pour des problèmes de comportement (forme d'autisme) ils suivent
un traitement chez un psychiatre qui consiste notamment à leur faire
entendre le battement d'un coeur maternel sans qu'ils le sachent. Le traitement
est efficace mais ils n'auront de cesse de rechercher l'origine du son
qu'ils entendaient pendant les séances de traitement, dans un désir
inconscient de retrouver leurs mères (fait surprenant l'auteur ne
parle jamais des père des enfants !) . Ils sont peu après
adoptés tous les deux par un couple vivant sur une petite île.
En grandissant ils suivent chacun une route différente. L'un, Hashi,
se prostitue avant de devenir un chanteur de rock connu, l'autre, Kiku,
se passionne pour le saut à la perche où il excelle avant
de se retrouver en taule pour avoir tué sa mère. Je ne vous
en dit pas plus mais sachez que l'action monte petit à petit crescendo
pour finir par un chaos total et par la revanche des bébés
de la consigne automatique. Les deux orphelins à la recherche du
fameux son qui les libérerait de leur traumatisme se révoltent
contre leur état de victimes et contre la société,
notre société actuelle.
L'OS
Démons et vermeils / Jean-Bernard
Pouy
Ed. Baleine, 2000, 90 p., 29 F
Une
nouvelle collection pour les Editions Baleine avec cette Série grise
qui s'adresse aux personnes de 72 à 83 ans ! Pourquoi pas ! D'autant
que la lecture est aisée avec une police de caractère confortable.
C'est Jean-Bernard Pouy (qui dirige cette collection par ailleurs) qui
s'y colle et c'est pas triste. Imaginez : une bande d'anciens qui
fait un voyage dans le sud de la France accompagné par Ulysse (clin
d'oeil à Homère), leur conducteur, qui les trouve sympas
ces Anciens. Sauf qu'au bout de quelques jours notre conducteur-narrateur
va s'apercevoir que sous leurs airs placides et bon enfants les vieux ne
sont pas ce que l'on croit et qu'ils peuvent être dangereux. Pas
du tout noir, ce "roman-nouvelle" m'a bien fait rire avec les réflexions
d'Ulysse ponctuées par les nombreux hymnes chantés par les
Anciens pendant leur voyage comme par exemple celui-ci : "Les anciens,
ça va ça vient, les vioques, ils tiennent le choc, le troisième
âge c'est des sauvages !". Enfin un livre ravigorant sur les Anciens
comme on en voit peu dans la littérature.
L'OS
Moloch / Thierry Jonquet
Gallimard, 1998, 383 p., 42 F
« Si un homme des enfants d’Israël ou des étrangers
qui séjournent en Israël livre à Moloch l’un de ses
enfants, il sera puni de mort » (La Bible).
Voilà, la trame choisie par Jonquet pour son roman.
Les énigmes posées sont les suivantes :
Où se cache « Moloch » ?
Où se cache « Dieu » ?
Des enfants sont trouvés carbonisés dans une maison abandonnée
… où est Moloch ! ! !
Un peintre devenant aveugle demande l’assistance à un psychiatre.
Une petite fille hospitalisée est atteinte d’une maladie … il
plane de nombreux doutes suite à l’aggravation de son état
… où est Moloch ! ! !
Près de la maison abandonnée, un ancien militaire devenu
SDF retrouve une petite fille.. Lui, il a baroudé … notamment en
Afrique où il a eu pour mission d’enterrer au bulldozer des cadavres
de gosses … Elle, (sauvée du carnage), était réduite
à l’esclavage, à la prostitution. Il va partir en quête
de la Vérité. Où est Moloch ! ! ! ! Où est
Dieu ! ! ! !
La police enquête, la justice piétine. Moloch ouvre les
portes sur le vif de l’Atroce avec les détails sordides …
Ce roman est stupéfiant. Il se lit d’un trait, on se demande
comment les personnages, les situations vont s’emboîter. Le lecteur
n’est pas seulement spectateur, il subit les détails atroces et
il en sort indigné. Jonquet étonne, transgresse.
Les personnages sont réels. La psychiatrie joue son importance,
autant dans le quotidien que dans un acte criminel. Les crasseux restent
dans leur crasse et pour eux pas de lumière.
Les passages sur l’art contemporain … l’art corporel sont sublimes …
le topo sur le cri de Munch est émouvant, captivant. L’auto-projection
de l’art et de la vie nous aide à comprendre le chaos.
« Moloch » est un roman dérangeant, captivant à
manger sans aucune modération.
Mais, attention à ceux qui oseraient à l’avenir toucher
à un enfant ! ! ! !
QUEMOUL
La première gorgée
de bière et autres plaisirs minuscules : récits / Philippe
Delerm
Gallimard, 1997 (Collection l'Arpenteur),
93 p., 78 F
Mmouais ! Ces récits sur des petites actions de la vie
quotidienne sont sympathiques ; on se plaît à ressentir ces
moments d'autant plus forts qu'ils nous touchent car chaque personne a
au moins vécu un de ces plaisirs : lire un roman d'Agatha Christie,
acheter un croissant et le manger sur le trottoir juste après être
sorti de la boulangerie, aller à une séance de cinéma,
etc etc. L'auteur décrit admirablement ces petits riens si importants,
on ressent parfaitement ces moments comme si on se trouvait dans le récit,
on s'imagine à la place et goûtant à ces plaisirs.
Le style est pour moi vraiment musical, on se laisse porter par le bercement
du texte. Mais on reste quand même sur sa fin : il y'a trop de bons
sentiments surannés qui fleurent bon la nostalgie tels le kaléidoscope,
les petits pois à écosser, aller aux mures : dans notre monde
contemporain peu nombreux sont ceux qui ont (désirent) ces plaisirs
là ! Le choix est aussi discutable : l'auteur aurait pu aussi s'intéresser
au plaisir que l'on ressent après l'amour serrés l'un contre
l'autre, au plaisir de regarder un coucher de soleil, d'écouter
le bruit continue d'une rivière, à la grasse matinée,
au plaisir de déféquer.... Mais il faut dire que les plaisirs
sont si nombreux...
Finalement on lit ces récits comme quand "on boit pour
oublier la première gorgée" car comme le dit si bien l'auteur
dans son passage consacré à la bière : "c'est
un bonheur amer". Les petits instants de plaisirs n'auront pas duré.
L'OS
Chroniques martiennes / Ray Bradbury
Ed. Denoël, 1997, 366 p., 42
F
Janvier 1999, une fusée décolle de la planète bleue
en Ohio.
Sur Mars, deux êtres à la peau bronzée, aux yeux
comme des pièces d’or, aux voix musicales : Ylla et Yll habitent
dans une jolie maison aux murs de cristal …où ils mènent
une vie tranquille.
Soudain, Ylla inconsciemment fredonne un air de chanson jusqu’alors
inconnu par eux. Elle raconte, alors, à son mari son rêve
incongru concernant un engin qui allait arriver avec deux hommes à
bord, l’un d’eux se nomme Nathaniel York, et plus étrange encore,
il a les yeux bleus, la peau blanche et des cheveux noirs … Il vient pour
la voir, et, il l’emmènera sur sa planète. Yll devint jaloux,
il voudrait croire que cela n’est qu’un rêve …
Mais, une fusée arrive sur la vallée bleue … Yll est là,
une arme a la main …
Les gens sont pris de stupeur. L’atmosphère sur Mars semble
déréglée … les cerveaux semblent possédés
par une sorte de télépathie grandissante … une femme entonne
un air dans une langue inconnue …
L’être humain vient-il les envahir ?
Ce livre qui fait partie de la collection "Présence du
futur" est fait de façon à vous faire accepter qu’il existe
d’autres univers peuplés. Il nous montre aussi, l’égoïsme
de nos choix, de nos réflexions. Les sentiments, la beauté
de l’univers font réfléchir et témoignent du fait
qu’il faut protéger et sauvegarder les richesses naturelles de la
Terre mais aussi des autres planètes.
« Il est bon de renouveler les sources d’émerveillement.
dit le philosophe. Les voyages intersidéraux ont refait de nous
des enfants. »
NATH.
Les yeux dans le bouillon / Virginie
Broquet et Pascal Rabaté
Casterman, 2000, 62 p., 59 F
Une famille de touristes arrive à « Behuard », un
p’tit village. Durant cette pause, un vieux du coin va leur raconter les
histoires d’inondations de la Loire ; en échange de se faire payer
un coup : « C’est pas tout ça, mais avec ce temps à
chier de la poussière, il fait soif … »
La première histoire met en scène Emile : fossoyeur. La
terre du cimetière est meilleure que celle de son potager alors
« à chaque décès, Emile échangeait la
terre du cimetière, avec celle de son jardin … ». Mais une
nuit, un cercueil remonte … Emile y voit l’œuvre de Satan ! ! !
La prochaine histoire concerne un couple de retraités parisiens.
Le mari se perd d’amour pour le vin du coin, et il en remplit sa cave.
Alors, sa femme décide de ne plus lui adresser la parole. Une inondation
survient … le mari veut à tout prix sauver son vin ! ! !
La dernière histoire raconte, elle, le débarquement de
deux hippies à « Behuard » … On voit leur arrivée,
leur vie, leur quotidien. « J’aimerai taper de la cigarette qui fait
voler ». Une inondation arrive … ils voudront, eux, sauver leur voiture
à tout prix ! ! !
«Les Yeux dans le bouillon » est un p’tit bijou.
Les couleurs criardes de cette BD sont magnifiques, le dessin est flou,
pas ordinaire, tordu … un délice.
Les personnages ont des vraies gueules …
C’est des véritables tranches de vie à la Rabaté
: réalistes, émouvantes, drôles … un p’tit brin de
surréaliste dans un quotidien campagnard avec son vrais parlé.
Un délire.
QUEMOUL