La supplication : Tchernobyl,
chroniques du monde après l'apocalypse / Svetlana Alexievitch
Ed. J'ai Lu, 1999, 249 p., 31 F
Terrible ouvrage, terribles paroles, terribles destinées, terribles
monde que nous montre Svetlana Alexievitch qui a recueilli et mis en forme
de nombreux témoignages 10 ans après l'accident nucléaire
de la centrale de Tchernobyl en Biélorussie (autrefois partie intégrante
de l'URSS). Mettant de côté l'accident lui-même l'auteur
s'intéresse au monde de Tchernobyl, c'est à dire aux gens
qui vivaient (et vivent toujours !) autour de la centrale, aux liquidateurs,
aux responsables politiques... bref aux personnes qui ont eu affaire à
Tchernobyl et qui ont bien souvent laissé des plumes (sauf les chefs
bien sûr). On trouvera donc une série de témoignages
de différentes personnes sur ce qu'elles ont véçu,
vu ou fait suite à l'accident.
Un terrible prologue nous plonge de suite dans l'univers "Tchernobyl"
avec le témoignage d'une jeune femme mariée avec un sapeur-pompier
à Tchernobyl. Lors de l'accident son mari est intervenu pour éteindre
l'incendie et se retrouve en piteux état, atteint par les radiations.
Poussée par son amour indéflectible envers son mari, la jeune
femme arrive à le suivre et à vivre à ses côtés
à l'hôpital jusqu'à sa mort où juste avant "il
n'était plus qu'une énorme plaie". S'ensuivent d'autres témoignages
tout aussi bouleversants d'histoires individuelles où se mélangent
la propagande russe ("On demande à Radio Erevan : "est-ce qu'on
peut manger des pommes de Tchernobyl ?" Réponse : "Bien sûr
que l'on peut, mais il faut enterrer profondément les trognons."),
l'absence de protections des liquidateurs où "les primes comptaient
plus que la radiation", l'évacuation des gens, les problèmes
de santé ou d'environnement ou encore la connerie humaine comme
on peut le voir à travers ce témoignage : "Le mécanisme
du mal fonctionnera ainsi, même au moment de l'apocalypse. J'en suis
sûr. On répandra des rumeurs, on fera de la lèche aux
supérieurs, on s'efforcera de sauver sa télé ou son
manteau d'Astrakan. Même le jour de la fin du monde, l'homme restera
tel qu'il est maintenant. Il ne changera pas."
Ce qui ressort aussi c'est l'aspect "invisible" des radiations : " J'avais
l'impression de leur parler en bantou. "Qu'est ce que c'est que cette radiation
? On ne l'entend pas, on ne la voit pas..."". Les gens étaient préparés
à une guerre nucléaire, à un ennemi visible et non
à un accident, à un danger que l'on ne peut pas appréhender.
Je crois que c'est vraiment là l'aspect le plus terrible de cette
catastrophe où les gens continuent de vaquer à leurs occupations
comme s'il ne s'était rien passé, les enfants jouent dans
les bacs de sables contaminés sans savoir que la mort est sur eux.
Un livre qui nous montre les terribles conséquences sur le plan
humain et environnemental de cet accident et qui nous rappelle que
le nucléaire n'est pas un gentil joujou comme on voudrait nous le
faire croire. A quand la prochaine catastrophe ?
L'OS
Le vicomte pourfendu / Italo Calvino
Librairie Générale
Française (Le livre de poche Biblio), 2000, 123 p., 23 F
Le Vicomte Médard de Terralba «dans sa première
jeunesse », s’en va en guerre.
Durant sa première bataille … il attaque un canon de front.
Le voilà percuté de plein fouet par un boulet … il est coupé
en deux.
La moitié droite - sauvée - rentre sur ses terres … elle
sera vite surnommée
« L’INFORTUNE ». Tout ses actes sont mauvais, elle y met
même de l’esthétique, de la création.
La moitié gauche - qui avait disparue - rentre beaucoup plus
tard sur ses terres … elle sera surnommée «LE BON ».
Tous ses actes sont positifs.
Face à ces deux moitiés, la vie des villageois va devenir
un enfer : « Nos sentiments devenaient incolores et obtus parce que
nous nous sentions comme perdus entre une vertu et une perversité
également inhumaines ».
Totalement opposées les deux moitiés ne peuvent que s’affronter
… ce qui devait arriver arriva.
Ce qui est le plus attirant dans Le Vicomte pourfendu, c’est
le côté irréaliste qui se colle sans aucun problème
dans un univers qui nous parle tant.
La lecture est un véritable plaisir, elle est simple, tout coule
de source … L’univers de la Fable transporte le lecteur dans un monde de
délire. Tout est ludique, le comique s’impose par certains dialogues
absurdes ou encore par un comique de gestes, de situations …
Mais, il est évident, que TOUT est « SYMBOLIQUE »,
et notre monde actuel n’en parait que de plus en plus complexe.
La conclusion du roman est une sorte de clin d’œil : « Mais il
est clair qu’il ne suffit pas d’un Vicomte complet pour que le monde entier
soit complet » … Et oui, cette Fable cache une réalité
ironique, pessimiste.
A quand l’adaptation en bande dessinée ! ! ! ! ! ! Car tout,
ici, ne fait référence qu’à cela.
Quémoul
C'est comment l'Amérique
/ Frank McCourt
Belfond, 2000, 394 p., 129 F
Suite du roman Les cendres d’Angéla.
Ce livre est la mémoire de Frank McCOURT qu’il a dédié
à sa fille Maggie et à
sa femme Ellen.
J’embarque sur un bateau d’Irlande à New York en pensant que
la vie sera plus facile. Hélas ! Galères sur galères,
recherche de travail, petits boulots en petits boulots. Je gagne
très mal ma vie.
J' envoie une partie de ce que je gagne en Irlande pour que les miens
vivent décemment.
Je suis appelé sous les drapeaux, tout change… Je deviens caporal,
réussi dans la sténo et change souvent de poste.
Je reviens dans la vie active et là encore plusieurs travails
en espérant la réussite…
Livre passionnant d’un homme qui a été marqué par
son enfance misérable. Il décide à 18 ans d’affronter
l’Amérique (celle qui à perdu son père devenu
alcoolique) afin de pouvoir trouver un travail décent pour envoyer
de l’argent aux siens en Irlande.
Le personnage nous fait connaître plusieurs monde du travail
à travers son parcours (nettoyeur, militaire, banquier, docker…).
On rencontre de partout la jalousie, le racisme, le sacrifice, l’obéissance,
la tolérance, mais aussi l’orgueil, la dépravation,
l’alcoolisme… puis la réussite, la peine, la mort.
Enfin une vie depuis l’enfance pleine d’embûches, de conflits,
d’amours, de destructions et de reconstruction d’une famille à
soi pour que celle-ci ne connaisse pas ce que lui a véçu.
Sûr ce, il repart à zéro et vit pleinement.
Histoire émouvante et tellement chargée d’espoir,
et d’une certaine réussite.
Nath.
Police et droits de l'homme /
Maurice Rajsfus
L'Esprit frappeur, 2000, 236 p.,
25 F
Maurice Rajsfus, "spécialiste des livres sur la police", aborde
cette fois ci les droits de l'homme dans le monde policier. Car bien souvent
les droits de l'homme sont absents chez ces fonctionnaires censés
nous protéger ("assurer la sécurité des biens et des
personnes"). Les exemples et les constatations regorgent dans ce livre
fort instructif et particulièrement bien documenté. L'auteur
rappele les différentes mesures qui ont été appliquées
pour tenter d'enrayer le problème du non respect des droits les
plus élémentaires des personnes arrêtées par
la police (et en général en relation avec la police) comme
le fameux "Code de déontologie de la police nationale" daté
de l'année 1986 et censée rappeler aux flics les "bonnes
manières". Il faut dire que dans la police on apprend plutôt
à devenir un bon tireur qu'un fin connaisseur du droit. Le policier
se croit au-dessus des lois et bon nombre de "bavures" ne sont jamais condamnées.
Une partie est consacrée aux centres de rétention et aux
expulsions des personnes immigrées en situation irrégulière.
De nombreux tracts sont aussi reproduits qui traduisent les violences employés
par les policiers. L'auteur termine en se demandant si les Français
disposent d'une police républicaine ? (la réponse est bien
évidemment négative) et il fait quelques propositions qui
permettraient d'avoir des flics plus respectueux des droits de l'homme
(comme par exemple la création d'un corps de policiers "qui n'exerceraient
plus une profession mais une fonction temporaire" car "la fonction policière
crée de mauvaises habitudes"). L'auteur reste cependant lucide et
termine en écrivant que "dès lors qu'un citoyen ordinaire
s'interroge sur les liens improbables entre police et droits de l'homme,
il sort de la normalité...".
Attention : méfiez-vous de la pagination du livre : un problème
d'impression a fait disparaître plusieurs pages ce qui n'est pas
agréable du tout quand on le découvre (c'est mon cas).
L'OS
Le chevalier Songhaï / Philippe
Frey
Robert Laffond, 2000, 337 p., 139
F
Dans les Pyrénées, moi, Anselme d’Ysalguier chevauchais
avec mon père et deux de ses amis, nous étions en guerre.
Le redoutable prince noir décapite le comte de Foix. Mon père
me parla, et je compris que je ne le reverrais plus.
Douze ans après cette tragédie, je suis en Espagne. Là,
je fréquente Abraham un homme de science qui m’apprend la
cartographie.
Je tombe amoureux de Séphora, mais, le fils d’Abraham est
jaloux et veux m’éloigner d’ici. On m’envoie aux îles Canaries,
ensuite, le désert.
Partout les gens s’entre-tuent et, dans tout ça, je suis le
1er a épouser une princesse noire.
Vais-je la ramener dans mon château en France ?…
Belle histoire qui dévoile à la fois la beauté
de tous les paysages, mais aussi qui dévoile le parcours de gens
dit civilisés qui s’entre-tuent pour de l’or et la gloire
personnelle. Le plaisir aussi de découvrir quelques «
trucs » de survie dans un désert hostile. Mais aussi une amitié
entre l’esclave et son maître aussi bizarre soit-il qui arrive. En
fait, il est persuadé que toutes ces épreuves étaient
écrites afin qu’il vienne et trouve cette princesse noire - son
épouse - et qu’elle revienne avec lui dans sa Gascogne
natale. Ainsi Anselme sera définitivement en paix avec lui-même.
Nath.