Vivre fatigue / Jean-Claude
Izzo
Librio noir, 1999, 89 p.,
10F
Un petit bouquin d'Izzo rassemblant quelques nouvelles illustrées.
Ces quelques situations, sortes de faits divers de l'humain, ne sont pas
gaies. Elles ont pour décor Marseille, une ville "brassant" une
multitude de gens, de destinées comme cet ancien docker sans boulot,
cette chanteuse qui cherche un amour impossible ou encore cet immigré
accusé de pédophilie et battu à mort. Les illustrations
en noir et blanc illustrent (normal !) à merveille les textes
qui sont finalement proches de nous, trop proches peut-être car personne
n'est à l'abri du malheur, du vivre fatigue que l'on trouve dans
ce livre.
L'OS
La sirène rouge / Maurice
G. Dantec
Gallimard, 1998 (Folio policier),
590 p., 45F
Alice (12 ans) vit à Amsterdam avec sa mère (Eva Kristensen).
Elle évolue dans le luxe où Eva surveille ses faits et gestes,
son éducation de manière abusive. Alice, un jour, pénètre
dans une pièce interdite en sous-sol. Elle se trouve face à
une longue série de cassettes-vidéo. Elle en visionne une,
elle assiste alors à l’exécution filmée de sa jeune
préceptrice disparue depuis quelques jours.
Alice sombre dans un univers où l’atrocité, la perversité
n’ont plus de nom et en plus, elle reconnaît sa mère et son
« beau-père » sous les cagoules des exécuteurs.
Alice se réfugie à la police, Anita Van Dyke mène
l’enquête, mais face aux piétinements de la justice … Alice
s’enfuit.
Elle va rencontrer Hugo (de retour de Bosnie) qui va l’accompagner
jusqu’au Portugal pour retrouver son père (Travis) qui seul pourrait
la sauver de sa mère.
Hugo est un mercenaire libertaire qui combat le chaos de notre fin
de siècle. « Un écrivain encore inabouti qui avait
un jour décidé que sa condition humaine ne permettait pas
qu’on lui ôte tout espoir ». Dans cette aventure, Hugo se trouve
(selon ses termes) face à « une forme de nazisme privé
» où « vampires sans autre idéologie que la cruauté
et la dégradation de l’autre, prédateurs aux visages liftés
et aux corps bronzés » s’accomplissent « dans la mise
en scène de la mort et de la terreur ».
Hugo, Alice d’un côté et Anita de l’autre vont se lancer
à la recherche de Travis et par la même, ils vont se lancer
dans un combat sans limite avec Eva.
La sirène rouge est le premier roman de Dantec. On y trouve
ses thèmes favoris comme le chaos, le combat du totalitarisme …
des personnages à psychologie forte. Les personnages sont en total
mouvement, la route est leur univers.
Les cadavres s’empilent, le feu et l’action rythment le désordre
de notre monde moderne.
Le trafic d’Eva laisse le lecteur dans la perplexité, la terreur,
le dégoût … : « Une drogue rouge et chaude comme la
vie. Le sang. La violence. La Terreur. Le Pouvoir pur ».
Cette façon de combiner la science-fiction et le polar fait
vraiment effet.
Un point négatif … il y a des longueurs (comme d’habitude chez
Dantec) … l’auteur aurait pu faire plus court.
Mais, selon la formule consacrée :
A LIRE ABSOLUMENT.
Quémoul.
Le chien des bas serviles / Jean-Luc
Poisson
Editions Baleine, 1997, 127 p.,
39 F
Encore un Poulpe mais un Poulpe qui sort du lot. Le Chien des bas serviles
ne ressemble pas aux autres productions du Poulpe : le style est souvent
assez haché ("Des amis. Une mariée. Et la raison. Adieu Maurice,
Chopalin te suit déjà") ce qui donne au texte un effet d'entrain,
de dynamisme qui nous plonge dans cette histoire, cette sombre histoire
de femmes handicapées travailleuses forcées dans une fondation
charitable dirigée par un maître sadomaso et son accolyte
monstre-chien bien-nommé Gustave Lechien. S'y joignent un maire
véreux qui fera tout pour être ministre, une femme nymphomane
pour assouvir ses besoins de pouvoir, un commissaire pas clair et quelques
molosses. Contrairement à son habitude Le Poulpe est hors service
et de plus amnésique. C'est donc Cheryl qui mène l'enquête,
enfin qui se laisse surtout porter par les événements. Le
Poulpe sera finalement là pour l'aider et tout sera régler.
Une histoire donc originale et entraînante. Un reproche quand même
: le rôle de Cheryl plutôt potiche. Donc un livre à
recommander parmi tous ces poulpes plus ou moins égaux.
L'OS
L'Affaire N'Gustro / Jean-Patrick
Manchette
Gallimard (Folio policier), 1999,
215 p., 29 F
Retour sur un "vieux" roman noir (et non policier comme le classe l'éditeur)
de Manchette, auteur de Nada (très bon bouquin et très bon
film aussi) ou encore de La position du tireur couché. Comme
d'habitude on retrouve chez l'auteur un texte ancré dans la
société, dans l'époque sur fonds de critique sociale.
Le sujet : la (ou les ?) confessions d'Henri Butron, personnage ambiguë,
à la fois détestable et parfois amical, qui se fait rattraper
par une sombre affaire politique où il s'est mêlé et
s'emmêle. N'Gustro, chef d'un mouvement d'opposition au Zimbabwin
(pays situé au milieu de l'Afrique, et oui !) en est le centre et
en fera les frais. Butron aussi finira mal (il "meurt" dès le premier
paragraphe). Mais il aura eu le temps de nous laisser une trace de
son parcours comme à la page 54 : "Je suis dévoré
par l'idée de chier partout sur les tapis. Je me maîtrise.
Je bois mon café" puis plus loin "Le commissaire Goémond
est sur le paillasson. Il me regarde d'un air malin, attendant que j'ouvre
largement la porte. Je reste à obstruer la brève embrasure.
- Je suis venu en voisin il dit. - Diarrhée dis-je. Merderie. Policier.
Mal blanc. Chiotte. Goguenot. Salope. Trouduc. Il comprend que je lui suis
plutôt hostile (…)". J'oubliais : l'histoire se déroule
dans les années soixante, c'est à dire une période
avec la guerre d'Algérie , les luttes d'indépendance
avec en tête de file Che Guevara (représenté ici par
N'Gustro). Un roman donc noir qui débute par la réflexion
de quelques personnages peu après la mort de Butron et nous met
tout de suite dans l'ambiance. Après il est difficile d'échapper
à la suite. Vous ne vous en tirerez pas comme ça.
L'OS
Mr Vertigo / Paul Auster
Librairie Générale
Française, 1997 (Livre de Poche), 36 F
Ce roman raconte l’histoire d’un petit orphelin, Walt, qui est récupéré
par un homme vêtu de noir, Maître Yehudi. Celui-ci annonça
à Walt qu’il lui apprendrait à voler le jour de son 13ème
anniversaire. C'est ainsi "qu'arrivé chez lui, le Maître me
fit faire le pire des entraînements. Son but était que je
parvienne au point culminant de la lévitation…".
Mr. Vertigo : Mélange de plusieurs sentiments.
Le narrateur nous emmène petit à petit avec lui.
On est imprégné par ces personnages.
Clin d’œil sur les profiteurs, sur le racisme, sur les escrocs…
Histoire par certains côté assez dure, mais une certaine
sagesse s’ouvre au fil du livre par rapport à cet enfant de 9 ans
qui grandit en passant par différentes phases de sa vie pour enfin
comprendre son travail et l’amitié envers celui qu’il appelait l’homme
en noir (Mr Vertigo).
Plus l’enseignement avance, plus le lecteur est pris dans l’aventure.
Cela nous fait rêver et l’on croirait presque que notre corps
part aussi en lévitation avec Walt pour voler au dessus de tout
et ne plus vouloir revenir.
Si vous avez envie de merveilleux, d’irréel, alors n’hésitez
pas.
Nath.