Les demeurées / Jeanne
Benameur
Editions Denoël, 2000, 59 F
Attiré par ce titre sobre et frappant, j’ai tout d’abord ouvert
au hasard des pages pour me plonger dans quelques phrases. Une sensation
opaque me saisit. La structure me sembla quelque peu dérangeante,
vide : poétique.
Alors, la lecture s’en suivit.
Une lecture rapide mais envoûtante où l’atmosphère
du livre se fige sur l’espace du lecteur.
Cette histoire entre une mère « demeurée »
et sa fille nous plonge dans un univers où règne l’essentiel,
c’est à dire un amour absolu donnant vie à tout ce qui les
entoure : objets, maison, l’espace, les murs…
Mais la petite doit se rendre à l’école, la rupture se
fait : les mots débarquent. Des mots physiques, des objets réels
venant de l’extérieur.
Alors, un autre univers se crée, déstabilisant le monde
de nos protagonistes.
Un livre a lire absolument.
Quémoul.
La triste fin du petit Enfant
Huître et autres histoires /Tim Burton ; trad. de l'américain
par René Belletto
Editions 10/18, 1998, 47 F
Ce premier livre de Tim Burton met en scène par un style macabre
et poétique - tant par l’écriture que par l’illustration
– une brochette d’enfants plus ou moins accablés.
L’univers présent réveille au lecteur ce qui est en lui
: un monde de conte, de légende, de peur…qui n’est que vie.
Le petit chaperon rouge n’a plus qu’à bien se tenir, «
L’Enfant avec des clous dans les yeux » vient de débarquer
avec son pote « Ludovic, l’Enfant Toxique ».
Cette série d’histoires est en accord avec une esthétique
poétique qui se veut simple et percutante dans l’imaginaire du lecteur.
Un livre d’un humour particulier et émouvant à lire sans
aucune modération.
Quémoul
Une étrange dictature /
Viviane Forrester
Fayard, 2000, 98 F
Viviane Forrester revient trois ans après avoir sorti "L'horreur
économique" (disponible à petit prix maintenant en format
poche) et nous replonge dans le bain louche du monde ultralibéral,
capitaliste "à mort" et porteur de destructions et d'inégalités.
Sans mentir je ne l'ai pas lu (on ne peut pas tout acheter !) mais rien
que de lire les extraits publiés par le journal Le Monde il a l'air
pas mal du tout : "Chaque jour, nous assistons au fiasco de l'ultralibéralisme.
Chaque jour ce système idéologique, fondé sur le dogme
(ou le fantasme) d'une autorégulation de l'économie dite
de marché, démontre son incapacité à se gérer
lui-même, à contrôler ce qu'il suscite, à maîtriser
ce qu'il déchaîne."
L'OS
Souscription pour l'édification
d'un monument au Policier Inconnu / Maurice Rajsfus
L'Esprit frappeur, 1999, 75 p.,
10 F
Maurice Rajsfus, avec un humour revigorant, s'amuse dans ce petit ouvrage
pamphlétaire avec la police. Il nous montre pourquoi il faut édifier
un monument pour les policiers, eux qui ont tant oeuvré à
l'ordre social (pendant la 2e guerre avec les nazis, en octobre 1961 pendant
la guerre d'Algérie, mai 68....). Extrait : " Qui est l'obsédé
dans ce monde malade où le citoyen peut être considéré
comme étant en liberté provisoire ? Celui qui peut redouter
l'intervention de l'homme au képi dont les dérives sont plus
fréquentes que ses intentions conviviales ? Qui est donc l'obsédé
? Celui qui cogne ou celui que l'on maltraite au nom de l'ordre ?".
L'OS
Créature / René
Belletto
P.O.L, 2000, 130 F
Alors que nous le croyons enlisé à jamais dans ses deux
derniers romans (« Régis Mille l’éventreur »
; « Ville de la peur »), « Créature » signe
le
retour de Belletto.
Mais quel retour ?
Michel Rey est toujours là pour clore la trilogie. Mais ce n’est
plus le même. Il est redevenu un personnage de « L’Enfer
» ou « Sur la terre comme au ciel », il est redevenu
un homme… Il a quitté la police, il est luthier, il est en ballottage
avec sa femme et surtout il va être emporté dans un tourbillon
qui lui échappe totalement.
« Créature » est un roman époustouflant dans
son déroulement. La première partie est une intrigue
policière. C’est l’histoire d’un zigoto dont la vie consiste à
avoir des rapports sexuels avec des femmes laides pour s’accaparer leur
énergie vitale…Mais sa logique bascule, suite à une union
avec une belle femme, il décidera de la tuer pour ne pas mourir.
Tous les personnages du roman (Estella, Anna, Thérèse…) vont
subir ce zigoto et Michel Rey n’y laissera pas que des plûmes. Une
première partie à la Belletto : sans espoir.
Mais, le roman tient sa résurrection dans la seconde partie
qui plonge dans un univers de science-fiction-policier : avec une terre
parallèle, un voyage sidéral, avec des personnages doubles
et même triples et une enquête à boucler. Un délire
cosmique où règne l’élément essentiel : la
musique. Michel transformé en onde est propulsé dans un nouveau
tourbillon.
« Créature » est un roman qui par dans tous les sens,
il y a un rythme envoûtant. Les personnages sont sympathiques avec
leurs problèmes, leurs vies …. Et le meurtrier zigoto est délirant.
Du bon Belletto même si sa phrase n’a plus la même verve
mais son espace est toujours là.
Plus ou moins déçu par les deux premiers romans de la
série, « Créature » nous rend l’auteur que nous
aimons lire.
Alors aucune hésitation même si vous n’avez pas lu les
deux premiers.
Quémoul